29 juin 2006

SUEZ - GAZ : le spread

Vous voulez évaluer les chances de réussite de la fusion annoncée entre Suez et Gaz de France ?
Regardez le spread Suez - Gaz !
Selon la fusion, chaque actionnaire de Suez doit recevoir une action Gaz de France + 1 euro de dividende. Si le marché croyait à 100% à la fusion, Suez coterait 1 euro de plus que Gaz.
Et pourtant ... Le spread ne cesse de s'élargir, il était à 3 il y a quelques semaines. Il n'a d'ailleurs jamais été négatif. Aujourd'hui, Suez vaut 31.50, Gaz 25.50, soit un spread de 5 euros compte-tenu du dividende. Calculé autrement, un actionnaire de Suez se ferait voler de 18.9% en recevant du Gaz. Conclusion : la réussite de la fusion ne se joue pas actuellement à l'Assemblée, sa probabilité se lit directement dans les cours. Après les contorsions sémantiques sur Arcelor / Mittal / Severstal, voilà que les politiques se heurtent encore au mur de l'argent. Dire que la spéculation des hedge funds vient contrarier les beaux desseins industriels de nos gouvernants ...

23 juin 2006

Un changement d'opinion


Quand un analyste financier publie un changement d'opinion sur une valeur, l'impact sur les cours peut être significatif, d'autant plus que l'analyste est influent.
Y a-t-il matière à changement d'opinion, d'un point de vue global, sur les marchés financiers ?
Les forces à l'oeuvre depuis 3 ans perdent de leur allant. L'environnement monétaire accomodant et la croissance économique mondiale ont favorisé la hausse de presque toutes les classes d'actifs ainsi que la diminution corrélative de l'aversion au risque.
Mais maintenant, les banques centrales serrent les cordons. Certains responsables de la FED disent qu'il vaut mieux se tromper par excès de rigueur que par défaut, les faucons de la BCE prennent l'avantage et préparent un train de hausse; la BOJ a stoppé l'inondation quantitative et annonce la fin prochaine de la ZIRP (zéro interest rate policy). Quand à la Banque centrale chinoise, à force de prendre des décisions visant à freiner la croissance galopante des crédits et de la masse monétaire, elle arrivera à du résultat, pas trop brutal on l'espère.
Avec une inflation qui reste faible, la fin de la surliquidité mondiale se traduit par un ralentissement économique et/ou une baisse du prix des actifs. Quel est le délai entre le resserrement monétaire et son impact économique ? On sera peut-être bientôt en position de l'évaluer. Les réactions des marchés boursiers des dernières semaines donnent une première indication. L'aversion au risque s'est considérablement renforcée, avec une hausse très sensible des volatilités implicites, une sous performance des titres à faible liquidité par rapport aux grandes valeurs, des marchés émergents par rapport aux grandes places, un élargissement des spreads de crédit, un affaiblissement de nombreuses devises, un retour de bâton brutal sur les commodities. Sur ce dernier point, la SocGen a publié un graphe très parlant, en superposant la courbe du Nasdaq et celle de l'indice CRB, avec un décalage de 6 ans.
Pour autant, faut-il tout vendre ? Certainement pas, je ne suis pas un perma bear.
Réfléchissons différement : les raisonnements qui ont expliqué le comportement des marchés ces dernières années sont en train de changer. C'est le propre des situations de changement d'équilibre. Là où la logique impliquait une hausse, essayons de deviner les raisons qui feront baisser. Les mêmes données peuvent rentrer dans la black box du marché, et en sortir maintenant d'un autre côté. Humilité face aux certitudes que l'on croyait établies, sensibilité plus fine à ce qui cause des renversements sur les marchés, sont plus que jamais des postures à tenir.
Alors, un changement d'opinion ? Peut-être plus profond qu'on ne le croit.

12 juin 2006

Allez Zizou !

Sous la pression de mon fils, je suis bien obligé de suivre assidument la Coupe du Monde. Je ne vais pas vous donner mon avis sur les chances de victoire de l'équipe de France, il suffit pour cela de regarder les cours sur le marché (pour info : Brésil : 25,4%, France : 6,6%). Zidane exploite abondamment son image et, parmi ses multiples contrats publicitaires, celui de Générali ne vous a pas échappé, que ce soit à la télé ou sur les Champs Elysées.
A travers le thème : agir pour l'avenir, Générali lance une idée qui à mon avis mérite quelques réflexions. Les assureurs sont en première ligne face aux risques générés par le développement économique, et tout d'abord face aux risques climatiques : cyclones en Amérique, inondations en Europe, etc... Le réchauffement climatique commence à être scientifiquement bien évidencé; ses conséquences à court, moyen ou long terme ne sont pas clairement perçues. Tous les assureurs et réassureurs planchent sur le sujet, avec l'idée qu'il faudrait faire de la prévention, et ne pas se contenter d'augmenter les primes pour couvrir le coût des sinistres. Je me souviens avoir posé la question à Henri de Castries à l'AG d'AXA il y a 2 ans, en lui demandant de quelle façon un assureur pouvait influer sur les comportements, en matière de ce que l'on appelle le "développement durable". Bien que sa réponse soit restée générale, il était clair que le sujet était à l'ordre du jour.
Le Président de Générali France, Claude Tendil, a prononcé le 27-10-2005 la leçon inaugurale du master "Assurance et gestion du risque" de Dauphine, exposé dont je vous recommande la lecture. Il insiste sur les conséquences des changements climatiques, et met en avant son rôle en tant qu'assureur : aider à la prise de conscience collective, sanctionner les mauvaises pratiques, par exemple en refusant d'assurer, faire plus de prévention par le conseil, être capable d'assurer de nouveaux risques. Sa conclusion : il ne faut pas parler de morale mais d'intérêt.
A la mi-temps, au lieu d'aller prendre une bière fraiche au frigo (mauvaise solution) ou de faire des assouplissements pour évacuer le stress du match (c'est un peu mieux) pensez un peu finance, et aux conséquences du réchauffement climatique sur la valeur de vos actifs.

09 juin 2006

From Russia with love, suite

Une précision par rapport à mon message précédent. Du fait que l'OPRA, si elle est votée, interviendra avant la fusion ARCELOR / SEVERSTAL, A. Mordashov n'y participera pas. Selon le nombre de titres rachetés (max : 150 millions) et le prix de rachat (max : 50 euros), la part du capital de A. Mordashov passerait à environ 38%. La bagarre continue pour l'obliger à lancer une OPA, notamment par l'ADAM, du fait de cet évident changement de contrôle. Par ailleurs, l'OPA de Mittal est ouverte, et des discussions sont en cours entre Mittal et Arcelor. Rien n'est donc joué à ce niveau, sauf pour les hommes politiques français qui prennent ouvertement position pour l'opération Severstal.
Sur les critères industriels, j'ai déjà expliqué que je n'avais pas de préférence marquée pour tel ou tel projet. C'est la manière de la fusion avec Severstal qui me déplait, du fait que la prise de contrôle se fait sans OPA, et avec une évaluation des actifs Severstal pour le moins sujette à discussion.
Je suis un libéral (avec un accent...) partisan de la mondialisation et, de même que l'an dernier je n'avais rien contre l'éventuelle prise de contrôle des yaourts de Danone par un groupe américain, de même ici je ne suis pas opposé à ce que le fabricant de l'acier avec lequel on construit, outre nos voitures, nos chars Leclerc et nos sous-marins nucléaires passe sous la coupe d'un oligarque vassal de Poutine. Il est par contre piquant de constater que cela ne gêne pas nos politiques , y compris le député Carayon, chantre du nationalisme économique. Je lui ai d'ailleurs envoyé un e.mail hier sur ce sujet, et je posterai sa réponse, s'il en fait une. A ce propos, le message que j'avais envoyé le 28 mai, au sujet de mon post précédent, à Mme Hue, directrice des relations investisseurs d'Arcelor, attend toujours une réponse. Je vais refaire une tentative.
Le feuilleton Arcelor va donc occuper l'été, avec de multiples rebondissements à prévoir.
Pour l'affaire GDF / SUEZ, la fusion a du plomb dans l'aile, dixit Villepin qui ne veut pas aller seul sous la mitraille.
Quant à notre place de marché Euronext, ses liaisons tumultueuses entre le prétendant allemand et la fiancée newyorkaise agitent là aussi les esprits, y compris des politiques. Manque de chance, la tête de l'Etat préfère Deutsche Börse, alors que les dirigeants d'Euronext ont choisi de se fiancer au NYSE. On a quand même l'impression que nos politiques ont tout faux sur les 3 fusions en cours.