23 avril 2007

China shakes the world

J'ai profité de quelques jours de vacances chez des amis à Oxford pour lire un livre récemment publié par James Kynge, ancien correspondant du Financial Times en Chine, sous le titre "China shakes the world, the rise of a hungry nation".
Quelques idées à retenir de ce livre passionnant.
- La population active chinoise augmente de 25 millions de personnes chaque année, à qui il faut trouver un travail. Cela sans compter les mouvements internes de population, avec l'afflux des campagnes vers les villes. La croissance forte à long terme de l'économie est donc un impératif vital. Pour simplifier, la Chine dit : A nous les emplois, l'Occident dit : A nous les profits.
- L'immensité du marché intérieur chinois fait rêver, mais pas seulement les occidentaux : les Chinois également. En fait, la concurrence interne chinoise sur tous les segments des biens de consommation est intense, d'autant plus que les producteurs y sont à armes égales. La conséquence est que les marges y sont très faibles, et que les profits sont donc recherchés à l'exportation.
- Au niveau culturel, les chiffres ont une importance très grande. Les slogans officiels en sont une illustration. Cela est une conséquence de la situation permanente de surpopulation, et de la difficulté à nourrir toutes les bouches. La Chine est vraiment un pays qui a faim, dans toutes les acceptions du terme. On comprend mieux aussi la rapidité avec laquelle la Chine a su intégrer les sciences et les techniques.

Pour l'avenir, posons-nous quelques questions sur la place future de la Chine dans le monde de la finance. Avec 1200 milliards de dollars de réserves de change, en rapide augmentation, et une épargne intérieure imposante, la matière première ne manque pas ! Pour le moment, l'allocation d'actifs n'est pas optimale. Mais on peut penser que les grandes banques chinoises vont rapidement intégrer les outils de la finance moderne. Avec la taille de leur bilan, elles deviendront des concurrentes redoutables. Par ailleurs, le gouvernement prévoit de créer une agence d'investissement, dotée de 200 milliards de $ pour commencer, histoire d'investir une partie des réserves de change de façon plus optimale, un peu sur le modèle de la Temasek singapourienne. Cela va constituer un investisseur institutionnel intéressant. Le temps n'est pas très éloigné où les OPA initiées de Chine viendront s'imposer sur les bourses européennes et américaines.
Vous connaissez NFM Technologies ? Certainement pas, et moi non plus, jusqu'à ce que je lise dans le journal ce matin que ce fabriquant de tunneliers et de grosses pièces de fonderies pour l'armement et le nucléaire, qui emploie 240 personnes à Lyon et au Creusot et réalise 70 millions de CA, allait être repris par son partenaire chinois FHGM. En France, cela ne fait que commencer, sachant que le mouvement est déjà bien entamé aux Etats-Unis.
J'écoutais récemment à une conférence Patrick Kron, PDG de Alstom, qui expliquait que le débat sur les délocalisations était dépassé; ce qui compte, c'est de savoir où seront les prochaines localisations, c'est-à-dire où s'implanteront les futures usines, centres de recherche et entreprises.
La Chine n'a pas fini de nous secouer.

10 avril 2007

Le pouvoir chez Valeo

Qui prendra le pouvoir chez Valeo ? Voilà un cas intéressant de gouvernance d'entreprise qui se joue actuellement chez l'équipementier automobile. Le fonds Pardus, premier actionnaire avec plus de 12% , cherche à marier Valeo avec son concurrent américain Visteon, dont il est aussi un actionnaire important : 17%. L'opération lui permettrait de baisser son prix d'achat moyen sur le groupe combiné. Mais l'union de Valeo avec un Visteon mal en point nécessitera une lourde restructuration, encore plus spectaculaire si le groupe est unifié. Thierry Morin, PDG de Valeo, n'est pas partisan de cette solution. On le dit attiré par une solution de rachat de l'entreprise par un fonds de LBO, et le nom d'Apollo a été évoqué. Il est clair que s'il appuie cette solution, sa participation au projet lui garantira un management package des plus intéressants. La reconfiguration du groupe, nécessaire de toute façon, se ferait ainsi à l'écart de la transparence boursière.
Quand à Guy Wyser-Pratte, qui avait acheté 3% de Valeo pour pousser une solution d'indépendance fondée sur une rationalisation des activités, il a préféré vendre la semaine dernière vers 44 €, considérant qu'il ne pouvait pas espérer un niveau plus élevé lors d'un rachat en LBO.
L'affaire est pimentée par le renouvellement du conseil d'administration, car 9 membres sur 11 doivent être renouvelés ou confirmés à la prochaine AG du 21 mai. Le CA est d'ailleurs composé majoritairement de membres indépendants, donc intéressés uniquement par la défense des intérêts des actionnaires et de l'entreprise, Pardus n'étant pas représenté au conseil.
La réunion du CA de ce 10 avril a laissé toutes les options ouvertes, sans prendre parti pour l'une ou l'autre des propositions. Les 6 semaines qui restent avant l'AG promettent d'être chaudes pour décider l'avenir de Valeo, car il ne sera pas simple de dégager une majorité de votes sur une solution. En particulier, on ne connaît pas encore la position des fonds gérés par Franklin Templeton, qui réunissent plus de 10% du capital. Quant à la CDC, 3ème actionnaire avec 6,5%, on a tendance à y voir le bras armé de la puissance publique, gardien de l'intérêt patriotique et de l'emploi français. Il n'est d'ailleurs pas sûr que l'AG soit amenée à se prononcer sur l'évolution de l'entreprise, ce qui serait regrettable.
Voilà un beau sujet de recherche pour un étudiant en finance, mêlant réflexion stratégique, problème de gouvernance et analyse de rapports de force.
A noter que je détiens, indirectement, des obligations convertibles Valeo, mais pas d'actions; je n'ai donc pas de droits de vote.