24 octobre 2007

MIFID mi raisin

Je viens de recevoir de mes banques des informations concernant la transposition en droit français, à compte du 1er novembre, de la Directive sur les Marchés d'Instruments Financiers, MIF, dite MIFID en anglais.
Pour faire court, MIFID supprime le monopole des places boursières en organisant la concurrence des lieux de cotation; en deuxième point, elle renforce les obligations, de conseil notamment, envers les clients, de façon à renforcer leur protection.
Sur le premier point, la fin du monopole est la bienvenue. En permettant l'internalisation des ordres, MIFID supprime l'obligation de présenter les ordres sur le marché, et autorise donc les établissements financiers à apparier directement les ordres opposés, évitant ainsi les coûts de négociation et de compensation. Sous réserve que l'économie ainsi réalisée profite au client, la réforme sera profitable. En 2006, Euronext a dégagé un bénéfice net de 362 millions € pour un chiffre d'affaires de 1102 millions €, dégageant ainsi 33% de marge nette, niveau éhonté permis par la situation de monopole. Les grandes banques d'investissement s'engouffrent dans la brêche, et créent des plate-formes de transaction qui vont leur permettre de négocier pour moins cher. Vive la concurrence, qui fait baisser les prix !
Le deuxième grand thème de MIFID représente une vraie révolution culturelle pour les banquiers : ils vont maintenant avoir l'obligation, vis-à-vis de leurs clients non professionnels, de leur délivrer un conseil en investissement adapté à leurs connaissances financières et à leur situation personnelle. Par exemple, il s'agira d'éviter que votre conseiller vous appelle pour vous vanter les mérites de son dernier placement, sans vous dire qu'il vous engage pour 5 ans, alors que vous avez laissé un peu d'argent sur votre compte pour payer vos impôts. Dans sa plaquette, ma banque me prévient d'ailleurs qu'elle sera "régulièrement amenée à me demander des informations afin de connaître précisément ma situation financière, mes objectifs de placements et mon expérience en matière de placements financiers." Ca tombe bien, mon chargé de compte a changé début 2006, et le nouveau n'a pas encore trouvé le temps de m'appeler ! Mais dommage pour lui, car j'ai plusieurs comptes justement pour diversifier et pour éviter qu'un seul sache tout de moi : je ne suis donc pas certain de satisfaire entièrement sa curiosité, si elle se manifeste. Mais il pourra toujours lire ce blog pour apprécier mon niveau de connaissance.
La grande question est de savoir comment pratiquement cela va s'organiser dans les banques, pour délivrer un conseil aux clients qui soit autre chose que du formalisme fondé sur l'objectif de réduction des risques juridiques. Attendons de voir les premiers procès pour défaut de conseil ou mauvaise information, sous l'égide de MIFID, pour apprécier ce que les Tribunaux feront des obligations conférées par la nouvelle loi. De plus, tout ceci a un coût élevé, et comme chacun le sait bien, c'est toujours le client qui paye. Pour ma part, je suis souvent mal à l'aise face à l'accumulation de règlementation, car j'ai le sentiment que la protection qu'elle confère est illusoire, qu'elle remplace, faussement, la responsabilité du client et qu'elle coûte cher.
Donc très bien pour l'obligation de conseil, OK pour la protection du consommateur, mais attention au prix de la protection et à la qualité du service et de la recommandation. Il ne s'agirait pas d'acheter un put au moment où le marché est au plus bas !

11 octobre 2007

L'A380 est trop petit ...

... pour contenir tous les initiés de "l'affaire EADS" !
Au cours d'une minutieuse enquête, l'AMF, notre Autorité des Marchés Financiers, a trouvé plus de 1200 initiés qui auraient réalisé 90 millions de profits indus entre novembre 2005 et avril 2006.
J'avais appris en Bourse que lorsque quelqu'un vous passait un tuyau dans la main droite, il fallait immédiatement transmettre l'ordre de la main gauche, de peur que le marché ne soit déjà informé, et le tuyau percé. Selon la bonne vieille théorie de l'efficience des marchés, toute information publique est intégrée dans les cours, et il n'est donc pas possible d'en profiter. Pas du tout pour l'AMF, dans le cas EADS.
Et on nous explique doctement ici que 1200 personnes auraient gardé précieusement un secret d'une telle importance pendant plus de 6 mois, sans que le marché n'en sache rien ! Alors que la valeur est suivie par des dizaines d'analystes financiers ?
Question n°1 : 1200 personnes, c'est du privé ou du public ?
Question n°2 : si les mêmes 1200 personnes détiennent une information pendant 6 mois, peut-elle encore être considérée comme privée ?
Il paraîtrait aussi que Lagardère aurait trempé dans l'affaire, lui qui clamait sur tous les toits depuis l'automne 2005 qu'il voulait vendre !
Quant aux dirigeants d'EADS (regardez ici les déclarations obligatoires) qui ont exercé leurs stock-options et ont immédiatement revendus les titres, ce qui est l'usage, il faut rappeler qu'ils ont agi pendant les courtes périodes où le droit néerlandais le leur permettait. EADS est en effet une société de droit néerlandais, et la législation relative aux stock-options y est sur ce point beaucoup plus restrictive que celle existant en France à cette époque (les conditions françaises ont été durcies depuis).
Il serait intéressant de relire les analyses financières publiées début 2006, au moment où les grosses commandes se succédaient. A mon avis, sur un programme comme celui-là, ceux qui croyaient que tout allait se passer sans aucun problème faisaient preuve d'un optimisme éhonté, compte-tenu d'une part de l'historique de ce type d'opérations industrielles, et d'autre part de l'effroyable gouvernance franco-allemande d'EADS.
Une nouvelle pour finir : Boeing vient d'annoncer que son 787 Dreamliner va lui aussi subir des retards significatifs. Amis lecteurs, dommage pour vous : ce n'était pas une info privilégiée, et il est inutile de shorter Boeing, du moins pour cette raison, car c'est déjà dans les cours !

07 octobre 2007

Une belle relance




C'est comme une belle relance après un essai encaissé.
KKR, dont j'ai déjà parlé ici, et Citigroup, ont décidé de s'allier pour créer un fonds destiné à racheter des crédits décotés, provenant des colles du private equity et des produits structurés de crédit. Montant prévu : 15 milliards de $. Financement : 1/3 de fonds propres, 2/3 de dettes.
A partir du moment où Citi a déjà provisionné les crédits qui n'ont pas pu être syndiqués, c'est une bonne idée de créer un nouveau produit dessus. Cela s'appelle se refaire.
Les 10 milliards prêtés au fonds vont générer une marge sympathique. Et imaginons que Citi etr KKR décident de les structurer dans un conduit, et de redistribuer le risque, ils trouveront bien des hedge funds pour y investir.
Ils ne sont d'ailleurs pas les premiers à tenter l'aventure. Si la dépréciation de certains produits structurés de crédit est plus la conséquence du défaut de liquidité que du risque de défaut, c'est une bonne opération que d'y investir dans le creux du marché. Des fonds ont d'ailleurs été créés en toute hâte cet été pour ce faire, avec pour conséquence de rapprocher le marché de sa juste valeur et de redonner de la liquidité. Je ne serai d'ailleurs pas étonné que Goldman Sachs y ait généré une partie de ses impressionnants bénéfices du troisième trimestre.
Décidément, la finance moderne est étonnante : avec une bonne dose de houtzpah arrosée d'une rasade d'imagination, on parvient à se sortir des situations les plus délicates. Nous vivons dans un monde merveilleux !