07 juillet 2008

Mettez-vous au vert !

Crédit Agricole SA a publié la semaine dernière un communiqué triomphal pour annoncer la réussite de son augmentation de capital de 5,9 milliards d'euros. Les caisses régionales, détenant 54% du capital, ont souscrit à proportion de leurs droits, et s'étaient engagées à souscrire au besoin tous les autres nouveaux titres. Il n'y avait donc pas vraiment de suspense. Néanmoins, la sursouscription a atteint 130% pour la part hors caisses régionales.

Pour donner quelques chiffres, il faut se rappeler que le titre valait 16.68 € le 4 juin, juste avant l'annonce de l'opération; le 5 juin, il clôturait à 15,34 €, ce qui donnait, le 6 juin, date du détachement du droit de souscription, un cours théorique de 14,15 euros et donc une valeur du droit de 1,19 €. Il vaut aujourd'hui 12 €, soit encore 15% plus bas.

L'augmentation de capital s'est effectué sur un prix de souscription de 10,60 €, à raison de 1 action nouvelle pour 3 anciennes. Le prix de souscription représente donc une décote de près de 40% par rapport au cours d'avant l'annonce de l'opération.

Ce niveau de décote est similaire à celui consenti par la Société Générale en janvier, dans des circonstances autrement plus délicates, et alors que la SG ne dispose pas d'un actionnaire de référence détenant la majorité du capital.

Cela donne une idée de la détérioration du secteur bancaire depuis le début de l'année, même pour un établissement tel que le Crédit Agricole, qui a priori ne devrait pas être le plus en difficulté pour se financer.

Faut-il y voir l'impact des nouvelles normes prudentielles ? En effet, les modèles de calcul d'exigence de fonds propres sont fondés sur des analyses de risque, de marché en particulier, donc de VaR, Value at Risk. Quand les marchés sont très volatils, la VaR augmente pour un même niveau de positions, et donc les fonds propres à y affecter augmentent également. Inversement, à niveau de fonds propres inchangé, la taille des positions doit être réduite. Si maintenant le régulateur décide de durcir les exigences prudentielles, comme cela est le cas, le besoin de fonds propres se fait cruellement sentir, et d'autant plus si la banque doit provisionner et afficher des pertes. L'autre solution, qui n'est d'ailleurs pas exclusive, est de sabrer dans les activités les plus risquées; c'est aussi le choix du Crédit Agricole. Dans ce cas, on peut dire au revoir aux promesses, intenables, de rentabilité des fonds propres à 20 ou 25%.

Indéniablement, les normes prudentielles Bâle II sont pro cycliques.

Peut-être aurait-il fallu intituler ce post : Recherche fonds propres désespérement; ou bien : Looking for Mr. Stockholder.



04 juillet 2008

Transparent comme le verre SAINT GOBAIN

La prise de participation de WENDEL dans SAINT GOBAIN soulève une question intéressante sur les limites de la « transparence », aux vertus si unanimement louées.
Rappelons que WENDEL a acquis, fin 2007, une participation de 21% dans le groupe SAINT GOBAIN, à un prix moyen de l'ordre de 68 €, pour environ 80 millions de titres.
SAINT GOBAIN cote aujourd'hui 37 €, ce qui représente une baisse de 46%, et une moins-value potentielle pour WENDEL de 2,5 milliards d'euros.
Mais WENDEL nous explique que sa moins value est plus faible, car il a couvert sa position en achetant des puts sur environ 40% de sa participation.
Imaginons la position en options, en fonction des hypothèses suivantes :
- Achat de puts échéance 1 an, prix d'exercice 55 €, sur un cours spot de 65 € pour SGO.
- Delta de ce put : -0,21 : le delta mesure la variation du prix de l'option pour une variation de 1 point du sous-jacent,
- Quantité : 40% de la position, soit un équivalent de 32 millions d'actions.
Pour couvrir sa position, le market maker qui lui a vendu les puts (BNP, SG, CITI, GOLDMAN ?) a donc vendu : 32 millions* 0,21 = 6,72 millions de titres SGO. Ce n'est pas négligeable, sachant qu'il se traite tous les jours entre 4 et 5 millions de titres sur SGO.
Ayant fait cette transaction, le market maker est certes couvert, delta neutre comme on dit, mais il est gamma négatif, c'est-à-dire que pour garder une position delta neutre, il doit vendre du SGO chaque fois que le titre baisse, et en racheter quand il monte.
Sur le cours actuel de 37 €, le delta du put est maintenant de -0,85. Cela signifie que le market maker doit à ce jour être vendeur de : 32 * 0,85 = 27,2 millions de titres pour être couvert, titres vendus entre le moment où la couverture a été mise en place et aujourd'hui. Cela représente 20,48 millions de titres supplémentaires, ou 5,35% du capital de SGO ! Et plus le titre baisse, plus le delta se creuse, et plus le market maker doit continuer à vendre.
Transparence, transparence. WENDEL ayant révélé l'achat de son put SGO, pour montrer qu'il était en partie protégé contre la baisse de la valeur de son investissement, tout le marché est maintenant informé que plus SGO baisse, plus le market maker est obligé de vendre pour rester delta neutre, alimentant ainsi la baisse du cours ! Il serait d'ailleurs intéressant de regarder le marché du prêt-emprunt de titres sur la valeur. Sachant cela, que croyez-vous que vont donc faire les arbitragistes ? Vendre bien entendu ! Et tout le monde se rachètera en masse dès que le marché se retournera. Allez vous étonner après que la volatilité sur SGO soit passée de 15% à 45%.
Pour être juste, cette opération n'est pas la seule cause de la baisse de SGO, ni de l'augmentation de la volatilité; c'est aussi une situation générale sur le marché, encore plus accentuée sur les valeurs liées au secteur de la construction.
Comme quoi la transparence n'est pas une réponse à l'effondrement du marché, ni à la hausse de la volatilité.