23 novembre 2009

PIMCO et moi


Bien sûr, le titre de mon post est un peu prétentieux. Mais il est quand même agréable de constater que les idées que j'ai développées dans mes récents posts sur le lien entre actions et obligations, ainsi que sur les exit strategies des banques centrales, sont reprises par le grand gestionnaire obligataire PIMCO.
Dans un récent article (daté du 22 octobre et publié dans l'édition de novembre), Paul McCulley, l'un des dirigeants de PIMCO, rappelle en effet que les actions et obligations peuvent évoluer de concert, selon la loi de Gordon, puisque ces 2 instruments sont valorisés par actualisation des flux futurs. Si le taux d'actualisation baisse, la valeur augmente. Là où il y a apparente contradiction, c'est que le prix élevé des actions implique une reprise économique rapide, en V, tandis que le faible taux d'intérêt sur la dette publique signifie que les Banques Centrales vont maintenir les taux d'intervention à un niveau bas, signe d'une croissance en U, qui devrait donc rester anémiée pendant longtemps. L'un des marchés se tromperait-il ?
Et c'est là que la communication des Banques Centrales est essentielle. En effet, tant que les marchés sont convaincus que la politique monétaire expansionniste va durer encore longtemps, alors actions et obligations peuvent être orientées à la hausse, puisque l'on aura à la fois les ingrédients de taux d'intérêt bas, de soutien public à l'économie et d'appétit des investisseurs pour le risque. D'où l'importance du pilotage des anticipations de marché pour la politique monétaire.
La hausse parallèle des marchés risqués et non risqués ne reflète pas une identité de vue sur la reprise économique, mais une identité de vue sur la politique monétaire, et en particulier celle de la FED, et c'est celle-ci qui est actuellement prépondérante sur les marchés.
Et en conséquence, le plus grand risque pour les actions serait que la reprise économique se manifeste plus rapidement que prévu, car cela impliquerait la fin de la croyance dans la politique monétaire expansionniste.
Mais pour le moment, cette forte reprise économique ne me semble pas être dans les tuyaux.
J'aime bien les analyses de PIMCO, et vous en recommande la lecture.

15 novembre 2009

Glass Steagall Act, le retour ?


Il y a 10 ans, les Etats-Unis votaient le Gramm Leach Biley Act, qui abolissait la principale disposition du Gall Steagall Act de 1933, laquelle imposait une stricte séparation entre les banques d'investissement et les banques de dépôt, afin d'éviter que les fonds des déposants ne soient utilisés pour des opérations pour compte propre.
Suite au vote de cette disposition, on a vu se constituer des supermarchés de la finance, dont Citigroup a été l'entreprise emblématique, et n'a échappé à la faillite l'an dernier que grâce au filet de sécurité constitué par le concept de « too big to fail », et donc l'argent du contribuable.
Les débats sont très tendus actuellement sur l'opportunité de réinstaller la séparation nette entre les banques de dépôt et les banques d'investissement, avec de solides arguments de chaque côté.
Curieusement, la discussion n'est pas parvenue jusqu'aux rives de la Seine, où le modèle de banque universelle représentée par la Société Générale et BNP Paribas est loué pour ses capacités de résistance à la crise. On entend bien sûr l'argument habituel qui consiste à dire que les banques doivent faire leur « vrai métier », c'est-à-dire prêter de l'argent et non pas spéculer, mais personne ne propose le démantèlement.
Les deux activités ne sont cependant pas antinomiques, du fait que les bénéfices générés par les rentables activités d'investissement créent des fonds propres bien utiles pour accorder des prêts.
Imaginons en effet que la banque d'investissement ait une rentabilité de 20%, contre 10% pour l'activité retail, ce qui est compatible avec un niveau de risque plus élevé.
Si la banque décide d'allouer la moitié de ses fonds propres à chaque activité, mettons 500 et 500 par exemple, au bout d'un an il y aura 150 de fonds propres supplémentaires, 100 venant de l'activité d'investissement et 50 de l'activité retail. Cette dernière disposera alors de 575 de fonds propres. Si les deux activités étaient séparées, la banque d'investissement aurait 600 de fonds propres, tandis que le retail n'en aurait que 550. Quand la rentabilité est au rendez-vous, l'alliance des deux activités permet donc d'augmenter les capacités de prêt, sous réserve bien entendu que l'allocation de fonds propres ne soit pas modifiée.
S'il y a des pertes, on vient alors accuser la banque d'investissement de réduire les capacités bancaires, du fait que les pertes s'y matérialisent plus rapidement que dans l'autre activité.
Le temps passant, c'est cependant la situation contraire qui se manifeste. On voit ainsi nos banques généralistes afficher de plantureux bénéfices dans leur activité d'investissement, tandis que le retail passe des provisions importantes au titre du « coût du risque », c'est-à-dire des prêts non remboursés.
Lequel des deux modèles, intégré ou séparé, est le plus performant, le plus sûr et le moins sujet au risque systémique ? Bien difficile à dire !
Ce que l'on sait par contre, c'est que la crise financière a éliminé des banques, engendré des concentrations plus ou moins forcées, diminué la concurrence, et que le concept du « too big to fail » a encore de beaux jours devant lui. Sur ce point qui est au coeur du risque systémique, la solution n'a pas été trouvée.

07 novembre 2009

Politique monétaire, exit strategy et communication


Après les réunions cette semaine de la FED, de la BCE et de la BoE, le moment est venu de faire le point sur les politiques monétaires. Chacun commence à réfléchir aux exit strategies, c'est-à-dire aux moyens de mettre fin, le moment venu, aux mesures exceptionnelles mises en oeuvre , avec réussite, pour surmonter la crise financière.
Pour résumer ces mesures, elles ont été de 3 ordres :
1) Une baisse très importante des taux directeurs, taux auxquels les banques commerciales se refinancent auprès de la banque centrale;
2) La possibilité pour les banques commerciales de se refinancer sans limite à ce taux d'intervention auprès des banques centrales;
3) Principalement pour la FED et la BoE (Banque of England), l'achat direct de titres sur le marché, obligations d'Etat, titres privées, titres des agences de refinancement hypothécaire pour la FED.
Quelle exit strategy adopter ? Techniquement, les choses ne sont pas très compliquées : fin des mesures quantitatives, remontée graduelle des taux d'intérêt, l'important étant d'avoir le bon timing. Il importe en effet d'éviter deux risques : celui de freiner la reprise économique en cas d'exit strategy mise en place trop rapidement; ou au contraire celui d'alimenter l'inflation et les bulles d'actifs en cas de retard.
A mon avis, la communication va jouer ici un rôle essentiel. On sait quoi faire, comment le faire, à peu près quand le faire. Mais on ne sait pas comment les marchés réagiront quand les banques centrales passeront à l'action. En particulier, le risque sur les taux longs ne doit pas être sous estimé.
Pour ce qui est des interventions de la catégorie 3), les choses sont à peu près claires. La FED a annoncé qu'elle avait terminé son programme d'achat de 300 milliards de bons du Trésor; les achats de MBS émis par les agences hypothécaires, pour un total de 1250 milliards de $, seront achevés à la fin du premier trimestre 2010, selon le dernier communiqué du FOMC (Federal Open Market Committee). Il n'y a donc pas de surprises à attendre sur ce point.
A propos des mesures quantitatives, la question est de savoir comment faire un passage en douceur entre le financement à guichet ouvert et la restriction.
La BCE a mis en place des opérations de refinancement à 1 an à 1% en juillet, dont j'ai déjà évoqué le succès, ainsi qu'en septembre; une dernière est prévue en décembre.
Du fait que les banques se refinancent sans limite à 1% auprès de la BCE, et qu'elles replacent auprès de la même BCE à 0,25% une partie du cash ainsi obtenu, afin de s'assurer contre tout problème de liquidité, alors le taux au jour le jour sur le marché interbancaire, EONIA, évolue entre ces deux taux. En effet, une banque ne va pas emprunter sur le marché interbancaire à plus de 1% si elle peut avoir des liquidités à ce niveau sans limite auprès de la BCE; de même, une banque ne va prêter à moins de 0,25% si elle peut obtenir cette rémunération auprès de la BCE. Ainsi, l'EONIA est actuellement à 0,33 %, l'EURIBOR 3 mois à 0,71%, le 6 mois à 1%.
Que se passera-t-il quand la BCE décidera d'arrêter de fournir des liquidités sans limite ? En toute logique, l'EONIA devrait repasser au-dessus de 1%, taux d'intervention de la BCE, et les taux EURIBOR remonter également, avec un impact sur toute la courbe des taux. Entre "sans limite" et quantité limitée", il y a une différence de nature, pas seulement de niveau. C'est là qu'une bonne communication pour préparer correctement les marchés sera essentielle, afin d'éviter des hausses brutales sur les taux d'intérêt.
Gardons à l'esprit que les taux long terme sont également très bas. En France, le taux TEC 10, représentatif des emprunts d'Etat à 10 ans, est à 3,60%. En parallèle, les anticipations d'inflation à long terme, telles qu'on peut les lire à partir des rendements des OAT indexées, sont remontées au-dessus de 2%. Ce qui veut dire que le taux réel à long terme, hors inflation est d'environ 1,50%. Lors de l'adjudication du 15 octobre, les OAT indexées sur l'inflation européenne, échéance 2020, ont ainsi été émises avec un rendement de 1,52%; pour l'échéance 2040, le rendement était de 1,72%. Quand on vient justifier le faible niveau des taux long terme par le faible risque d'inflation, on passe à côté du fait que c'est le taux réel qui est bas en réalité; les anticipations d'inflation à long terme sont revenues au niveau qu'elles avaient entre 2005 et début 2008.
Pour ce qui est du niveau des taux directeurs des Banques Centrales, on scrute avec attention chacun des communiqués, pour lire les éventuelles modifications dans les termes employés. Pour le moment, il n'y a pas de modification dans la communication, et les marchés n'envisagent pas de hausse des taux directeurs avant la fin 2010 ou 2011. Les récentes hausses des taux directeurs par les Banques Centrales d'Israël, d'Australie et de la Norvége, décidées chacune dans un contexte spécifique, n'ont pas signalé le début d'un mouvement généralisé.
De même que la crise financière d'il y a un an a été exceptionnelle, de même la fin des mesures prises par les banques centrales pour remédier à cette crise sera aussi une grande nouveauté : la réaction des marchés est toujours difficile à prévoir.