09 mai 2010

Les marchés sont un théâtre

Les marchés sont un théâtre. La pièce qui se joue sur scène n'est pas toujours facile à interprèter. Ceux qui veulent tout comprendre sont prêts à payer plus cher pour être au premier rang. Ceux qui ont moins d'intérêt au spectacle se mettent dans les derniers rangs, près de la sortie, là où les places coûtent moins cher.
Que se passe-t-il quand on entend crier : Au feu ! dans la salle ? Tout le monde se précipite vers la sortie, et tout le monde ne pourra pas sortir en même temps.
Malheureusement pour les marchés, l'analogie avec le spectacle s'arrête là. Car sur les marchés, il ne suffit pas de courir vite vers la sortie, il faut aussi trouver quelqu'un qui accepte de reprendre votre siège. Alors que l'on entend crier : Au feu ! et que tout le monde n'a qu'une idée en tête, se précipiter vers la porte. Ceux qui acceptent de reprendre votre siège à ce moment-là, ce sont ceux que l'on nomme les méchants spéculateurs. Pour ma part, je comprends qu'ils demandent quelque rétribution pour courir le risque de se faire roussir la couenne.
Vu de l'extérieur, il est bien sûr légitime de se poser quelques questions sur la réalité de l'alerte au feu, et de prétendre avoir confiance, au moins en partie, dans l'efficacité des systèmes de sécurité. Mais dans le feu de l'action, si je puis dire, c'est moins évident. Peut-être que la menace a été exagérée, et que les 18% de rendement sur le 2 ans grec se révèleront un magnifique cadeau fait à ceux qui auront su acheter à ce niveau. Pour le moment, on n'en sait rien.

En ce dimanche soir 9 mai, au moment où les grands d'Europe sont réunis pour trouver une solution avant l'ouverture des marchés asiatiques, je vous propose ma réponse.
A crise systémique, moyens illimités. Le fonds d'intervention doit pouvoir 1) bénéficier d'une garantie illimitée des Etats, 2) disposer d'une capacité de refinancement illimitée auprès de la BCE. Un tel fonds doit claironner haut et fort sa capacité d'intervention illimitée, et clamer haut et fort qu'il est disposé à acheter tous les titres d'Etat qu'on voudra lui vendre, dès lundi matin à l'aube. A mon avis, le short covering massif que cela entrainera, conjugué au retournement des anticipations, impliquera une très forte remontée des marchés de titres d'Etat grecs, portugais, espagnols, etc ... Ces marchés sont actuellement très étroits, il n'y aura donc pas besoin de mobiliser beaucoup d'argent. Il y a par contre besoin d'une forte résolution, et c'est bien ce qui manque à l'Europe pour le moment.

Attention cependant, il s'agit ici d'une réponse de court terme à une situation de crise. La question reste ouverte de savoir comment ramener les déficits et les dettes publiques à des niveaux soutenables à long terme. C'est cela, à mon avis, le vrai critère du développement durable.

04 mai 2010

La crise grecque : une affaire de pédagogie

Une des vertus de la crise grecque, c'est son aspect pédagogique. Les commentaires que l'on entend depuis deux semaines montrent bien que ce qui arrive à Athènes pourrait bien se dérouler aussi sur les bords de la Seine. Le débat sur les retraites, avec les prévisions, optimistes, d'un déficit annuel de 120 milliards d'euros à un horizon pas si lointain, alimente peut-être la prise de conscience. Tout le monde n'est pas encore convaincu de l'urgence de réformes profondes et rapides pour ramener nos dépenses publiques à un niveau compatible avec un taux de prélèvements obligatoires préservant notre compétitivité et notre équilibre socio-économique, mais l'idée fait certainement son chemin.
Quelles conséquences ? J'en ai eu une première idée ce midi, dans le restaurant de quartier près de mon bureau où j'ai l'habitude de m'acheter un plat chaud, que je mange devant mon ordinateur. J'aime bien discuter avec les commerçants, pour avoir leur sentiment sur la marche des affaires. Aujourd'hui, en me montrant la salle à moitié vide, mon ami restaurateur me dit : avec la crise grecque, les gens ne vont plus au restaurant; et d'ajouter que son banquier lui a fait part de la même constatation, sur ses propres difficultés à placer ses produits d'épargne. On peut d'ailleurs comprendre l'épargnant qui, après avoir trouvé du subprime dans de nombreux OPCVM garantis sans risque, se demande si ces mêmes sicav ne sont pas fourrées aux obligations grecques, portugaises, espagnoles, etc ..., dont le remboursement ne lui semble plus aussi garanti.
Notre consommateur épargnant constate également l'amertume de la purge imposée à ses cousins grecs, et se dit que si cela doit aussi lui arriver, autant avoir quelques provisions pour les temps difficiles.
Je vois donc deux leçons à tirer ici de la crise grecque :
Tout d'abord, le consommateur risque de passer en régime ralenti et d'augmenter son épargne; la chûte spectaculaire de l'indice de confiance des consommateurs en avril en est un premier signal.
Deuxième point, cela va peut-être faciliter l'acceptation des réformes nécessaires, en agitant l'épouvantail grec. On peut toujours rêver.