30 octobre 2008

Porsche : un scandale de la réglementation

Les mouvements invraisemblables ces derniers jours sur le titre Volkswagen, du fait de la prise de contrôle rampante par Porsche, sont la conséquence de :
1) Une manipulation de cours délibérément mise en oeuvre par Porsche, de façon scandaleuse, et en violation flagrante des règles normales de fonctionnement des marchés;
2) Une complaisance, pour ne pas dire une complicité, ahurissante de la Bafin, l'autorité allemande de surveillance des marchés;
3) Une faille dramatique de la régulation sur ce marché, où il s'agit visiblement de plumer celui qui n'est pas son petit copain, sans s'embarrasser de notions qui, vues du côté allemand, semblent inutiles, telles que l'équité, la transparence, le respect des minoritaires.
Dans une démocratie fondée sur le respect du droit, dont ce type de comportement prouve que l'Allemagne est bien éloignée, il y a longtemps que Porsche aurait été dans l'obligation de joindre le geste à la parole et de lancer une OPA en bonne et due forme.
Cette manipulation de cours n'aurait JAMAIS due être tolérée. La place des dirigeants de Porsche et de la Bafin, c'est la prison.
Et il est effarant de lire dans des commentaires sur cette affaire que tant de gens se gaussent parce que des hedge funds auraient perdu des milliards dans l'histoire.
Au moment où les dirigeants français se veulent à la pointe dans la "refondation du système financier mondial", la "moralisation de la finance", le "renforcement de la règlementation des marchés", voilà un sujet de discussion tout trouvé pour la prochaine rencontre de Nicolas et Angela.
Comment dit-on Justice en allemand ?

20 octobre 2008

L'enfer des banques

Depuis la journée noire du 10 octobre, où le risque systémique s'est révélé dans toute sa démesure, les plans de sauvetage se sont mis en place, fondés sur la garantie des prêts interbancaires et les recapitalisations publiques des banques, si nécessaire.
Entre le 10 et le 20 octobre, le CAC40 a repris 8,5%, le titre BNP a perdu 8,3%, Sté Générale a dégringolé de 12,1% et Crédit Agricole a rendu 8,6%.
L'Etat sauve les banques, mais leur valeurs boursières baissent, à contre courant de la tendance ! Pour comprendre ce paradoxe, il convient d'avoir à l'esprit que quand l'Etat sauve les banques, il ne sauve pas les actionnaires des banques. C'est la position de ceux-ci qui est reflétée par les cours de Bourse.
La garantie des crédits interbancaires a facilité le refinancement bancaire, comme en témoigne la baisse de l'Euribor 3mois, de 5,40% à 5%.
Le problème des fonds propres est plus compliqué. Les banques peuvent bien dire que leurs fonds propres sont au-dessus du minimum réglementaire, donc sont suffisants. Ce n'est pas forcément l'opinion du marché : le suffisant peut être estimé à un niveau bien supérieur au minimum.
Si l'on suit le raisonnement : une banque a des fonds propres jugés insuffisants par le marché, dans la situation actuelle. Conséquence : nécessité de les améliorer par une augmentation de capital, laquelle risque d'être très dilutive : 40% de décote, 60% de décote, qui dit mieux ?
On comprend donc pourquoi, alors que l'Etat a prévu de consacrer 40 milliards au renforcement des fonds propres des banques, chacune s'est empressée de refuser cette offre, pas si généreuse que ça en fait.
Mais si une banque refuse cette manne, empoisonnée pour ses actionnaires, gare aux conséquences sur sa position concurrentielle, par rapport à d'autres qui bénéficient de cet apport, et de l'amélioration des ratios prudentiels qui en sont la contrepartie.
De plus, si l'Etat recapitalise, il n'aura pas envie que cet argent reparte quelques mois plus chez les actionnaires, sous forme de dividendes. Adieu donc les généreuses politiques de rémunération des actionnaires ! Sans compter, pour les dirigeants, les contreparties en terme de limitation des rémunérations.
On annonce ce soir un apport de fonds propres par l'Etat pour les 6 grandes banques, d'un montant total de 10,5 milliards d'euros. Attendons d'en savoir plus sur les caractéristiques exactes de ces titres subordonnés, qui sont a priori assimilables à des fonds propres, mais sans entrainer de dilution des actionnaires.
Et apprécions l'insistance de Christian Noyer, le Gouverneur de la Banque de France, qui rappelle que les banques n'ont "absolument pas besoin de fonds propres, ni d'être recapitalisées", et que ces fonds devront servir à financer l'économie. On suivra quand même avec attention l'évolution des ratios prudentiels, pour voir s'il y a ou non du deleveraging des banques ...

12 octobre 2008

La Bourse de Tel-Aviv, un indicateur avancé

Si la Bourse de Tel-Aviv est un bon indicateur de la réaction des marchés pour demain matin, alors on a une raison d'être optimiste.
Le marché israélien étant fermé depuis mercredi du fait de Yom Kippour, l'ouverture ce dimanche s'est traduite par une baisse de près de 10%, par arbitrage avec le marché américain où sont également cotées les principales valeurs technologiques israéliennes. Mais la reprise s'est développée au long de la séance, qui s'est terminée par un recul de 3.5%.
Mon post précédent, écrit mercredi 7 octobre, développait une idée qui a finalement fait son chemin : la prise de participation publique dans les banques. Gordon Brown, le premier à s'être lancé dans ce processus, a même repris ma conclusion sur le moment de vérité, sur le perron de l'Elysée à la suite de son entretien avec Nicolas Sarkozy ce dimanche.
Augmentations de capital des banques par injection de capitaux publics, garantie des crédits interbancaires, garantie des dépôts, on voit mal ce que les gouvernements pourraient faire de plus. Si avec ça les marchés ne réagissent pas positivement, c'est qu'il y a vraiment un gros problème. Franchement, je préfère ne pas l'envisager.

07 octobre 2008

Nationaliser les banques ?

Quels sont les remèdes appliqués à ce jour à la crise financière ?
1) Inonder le système bancaire de liquidités. Les banques centrales s'y emploient, à coup de centaines de milliards. Et quand on voit qu'au 30 septembre, les banques de la zone euro avaient mis en dépôt plus de 100 milliards d'euros auprès de la BCE, rémunérés à 3,25%, on imagine à quelle point la peur de l'illiquidité et la crainte généralisée du défaut doivent perturber le sommeil de nombreux banquiers.
2) Soulager les banques en reprenant leurs actifs "toxiques". C'est l'objectif du plan Paulson aux Etats-Unis, sans que l'on sache encore comment cela sera mis en oeuvre, et en particulier à quel prix ces actifs seront rachetés. Payés à un faible prix, ils contraindront les banques à passer de nouvelles provisions, au risque de les enfoncer encore plus; rachetés chers, ils impliqueront des effets d'aubaine, et donneront une prime aux établissements les plus intoxiqués, ce qui n'est guère moral.
3) Garantir les dépôts, afin d'éviter un bank run dévastateur pour la liquidité des banques. C'est la solution actuellement adoptée en Europe, qui porte le risque d'exacerber les peurs.

Par ailleurs, il faut bien comprendre le double impact de la crise financière et de la détérioration du climat économique sur les banques. La baisse du prix des actifs et la hausse de la volatilité augmentent fortement la VaR, value at risk, ce qui nécessite de mobiliser des fonds propres plus importants. De plus, la récession économique va multiplier les défaillances d'entreprises, et donc les prêts non performants. Là aussi, nécessité de fonds propres supplémentaires.

A ce jour, les solutions ont donc traité les actifs , ainsi que les passifs court terme. La déclaration de Trichet faite aujourd'hui à la World Policy Conference organisée par l'IFRI à Evian est peu rassurante : "Il y a des limites à que nous pouvons faire car nous n'avons pas nous-mêmes la capacité d'intervenir lorsque surviennent des problèmes de solvabilité qui sont au-delà des problèmes de liquidité", a dit Jean-Claude Trichet ajoutant que les gouvernements devaient prendre leurs propres responsabilités.
De plan Paulson en G4, la réaction des marchés en ces jours terribles est édifiante.
Conclusion : il reste à traiter la question des fonds propres des banques.
Verra-t-on prochainement une initiative coordonnée des gouvernements afin d'apporter du capital aux banques ? Participations directes des Etats, comme cela vient de se faire au coup par coup; ou bien création d'un fonds public international chargé de prendre ces participations ? J'ai le sentiment que le moment de vérité approche à grands pas.

05 octobre 2008

Safety net

Où se situe le safety net dans le système financier ? En fait, toute banque en bénéficie, de façon plus ou moins formelle, plus ou moins explicite. Une banque n'est en effet pas une entreprise comme n'importe quelle société commerciale : sa fonction de transformation des flux financiers d'une part, le levier de son bilan d'autre part, font qu'une défaillance bancaire implique un risque systémique significatif. L'existence du filet de sécurité est en soi un élément de risque, puisqu'il peut diminuer le sentiment du risque chez les investisseurs comme chez les clients des banques. Et lorsque l'aversion au risque remonte brutalement, la réaffirmation haut et fort de l'existence du safety net par les autorités monétaires et politiques ne contribue pas à rétablir la confiance. Cette question n'est pas nouvelle : Alan Greenspan avait évoqué le sujet en mai 2001.
Actuellement, le marché demande moins de risque, ce qui se matérialise par une exigence de diminution du levier bancaire : diminution des actifs, donc credit crunch, augmentation des fonds propres, donc dilution sévère des anciens actionnaires, comme viennent de le constater ceux de Natixis, de Dexia, et d'autres demain, le stade ultime étant la nationalisation avec une élimination des actionnaires précédents.
Renforcer la réglementation est à double tranchant : monter les ratios de fonds propres accentue le credit crunch. Quand on entend le président des Caisses d'Epargne affirmer d'un ton outragé que son ratio de solvabilité est au-delà des normes réglementaires, on voit bien la confusion qui existe entre des normes minimum et l'appréciation qu'en fait le marché. Après augmentation de capital de Natixis, le titre est encore valorisé à près de 10 € dans les comptes des Caisses d'Epargne, alors qu'il cote 2.50 €. Heureusement que cet établissement n'est pas coté, car la vérité du marché lui aurait été bien cruelle !
La crise n'est donc pas finie, et les autorités politiques et monétaires se préparent encore quelques belles nuits blanches de sauvetage d'établissements financiers illiquides et / ou insolvables.
Mon ami Pascal Quiry, auteur du Vernimmen, vient de publier quelques réflexions sur la crise financière dans sa Lettre Venimmen.net, dont je vous recommande la lecture.