Un coup à droite, un coup à gauche. Après Edouard Balladur et les stock options, affaire qui s'est d'ailleurs plutôt bien terminée, voici Ségolène Royal dans une affaire de petites culottes. Vous n'avez pas manqué son interview dans un quotidien anglais la semaine dernière, réalisée juste après une rencontre avec les ouvrières de la marque de lingerie Aubade, menacées de délocalisation. Que nous propose Ségolène ?
“We have to prevent this wildcat outsourcing,” she said. “The workers have no power. We need to tax businesses who want to move out jobs and tax their products when they re-import them.”
Taxer les entreprises qui délocalisent, et taxer les produits quand ils sont réimportés !
Pour comprendre tout l'intérêt de cette superbe idée, imaginons le cas suivant.
Aubade est en concurrence avec une marque de lingerie italienne, je vous laisse choisir laquelle. Celle-ci, faisant déjà fabriquer en Tunisie (ou en Roumanie), a un coût de revient inférieur de 30% à celui d'Aubade, qui tente donc de préserver sa position concurentielle, en faisant le montage de ses produits dans un pays à coût salarial moins élevé que la France. L'idée de Ségolène est d'annuler, via la taxation, l'avantage qui pourrait être retiré de cette délocalisation. La situation d'Aubade s'en trouverait-elle améliorée ? Hélas non, car les culottes italiennes conserveraient leur faible coût de production, leur marge et leur position concurrentielle. Notre Italien serait ravi de voir que les strings d'Aubade, entreprise française, sont taxés en France, alors que les siens échappent à ce traitement de faveur, n'ayant pas effectué de délocalisations hors de France. Leçon n°57, façon Ségolène : donner des armes à l'adversaire. C'est le nationalisme économique à l'envers ! On peut d'ailleurs se poser des questions sur la compatibilité de cette taxation avec le droit concurrentiel de l'Union européenne et les règles de l'OMC, sans compter la loi française interdisant la discrimination.
Il serait temps de comprendre que la valeur ajoutée ne se situe plus derrière les machines à coudre, mais dans la création des modèles, la choix des tissus, le sens que véhicule la marque grâce à sa communication, la proximité et la qualité du réseau de distribution. Toutes choses qui restent en France pour Aubade, et qui lui permettent de vendre ses produits bien plus cher que les culottes à 2 € importées de Chine, que l'on trouve en vrac dans les bacs des solderies. Mais peut-être que pour Ségolène, les vrais travailleueueueurs sont ceux qui répètent à longueur de journée les mêmes gestes derrière une machine, et qui conquierent de nouveaux acquis sociaux grâce aux luttes et aux grèves menées sous la bannière cégétiste !
21 octobre 2006
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1 commentaire:
Ouh la la (ou ouaf ouaf) pour l'image !!! Sur le fond, quoi faire pour que les salariés ne soient pas considérés simplement comme de la mauvaise graisse à supprimer ?
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