21 octobre 2006

Une aubade pour Ségolène

Un coup à droite, un coup à gauche. Après Edouard Balladur et les stock options, affaire qui s'est d'ailleurs plutôt bien terminée, voici Ségolène Royal dans une affaire de petites culottes. Vous n'avez pas manqué son interview dans un quotidien anglais la semaine dernière, réalisée juste après une rencontre avec les ouvrières de la marque de lingerie Aubade, menacées de délocalisation. Que nous propose Ségolène ?
“We have to prevent this wildcat outsourcing,” she said. “The workers have no power. We need to tax businesses who want to move out jobs and tax their products when they re-import them.”
Taxer les entreprises qui délocalisent, et taxer les produits quand ils sont réimportés !
Pour comprendre tout l'intérêt de cette superbe idée, imaginons le cas suivant.
Aubade est en concurrence avec une marque de lingerie italienne, je vous laisse choisir laquelle. Celle-ci, faisant déjà fabriquer en Tunisie (ou en Roumanie), a un coût de revient inférieur de 30% à celui d'Aubade, qui tente donc de préserver sa position concurentielle, en faisant le montage de ses produits dans un pays à coût salarial moins élevé que la France. L'idée de Ségolène est d'annuler, via la taxation, l'avantage qui pourrait être retiré de cette délocalisation. La situation d'Aubade s'en trouverait-elle améliorée ? Hélas non, car les culottes italiennes conserveraient leur faible coût de production, leur marge et leur position concurrentielle. Notre Italien serait ravi de voir que les strings d'Aubade, entreprise française, sont taxés en France, alors que les siens échappent à ce traitement de faveur, n'ayant pas effectué de délocalisations hors de France. Leçon n°57, façon Ségolène : donner des armes à l'adversaire. C'est le nationalisme économique à l'envers ! On peut d'ailleurs se poser des questions sur la compatibilité de cette taxation avec le droit concurrentiel de l'Union européenne et les règles de l'OMC, sans compter la loi française interdisant la discrimination.
Il serait temps de comprendre que la valeur ajoutée ne se situe plus derrière les machines à coudre, mais dans la création des modèles, la choix des tissus, le sens que véhicule la marque grâce à sa communication, la proximité et la qualité du réseau de distribution. Toutes choses qui restent en France pour Aubade, et qui lui permettent de vendre ses produits bien plus cher que les culottes à 2 € importées de Chine, que l'on trouve en vrac dans les bacs des solderies. Mais peut-être que pour Ségolène, les vrais travailleueueueurs sont ceux qui répètent à longueur de journée les mêmes gestes derrière une machine, et qui conquierent de nouveaux acquis sociaux grâce aux luttes et aux grèves menées sous la bannière cégétiste !

04 octobre 2006

AMARANTH


Je ne vais pas blogger sur la botanique, ou comparer les beautés respectives de la rose et de l'amaranthe.
AMARANTH se réfère ici au hedge fund américain qui vient de perdre 6 milliards de $ sur le marché du gaz naturel.
Une précision tout d'abord. D'après ce que j'ai lu, le hedge fund n'était pas exposé en directionnel au cours du gaz, mais avait une grosse position sur les spreads calendaires : écart de cours entre les différentes échéances des contrats sur le gaz naturel. Vu l'ampleur des pertes, on imagine que ses positions devaient être énormes. Il serait intéressant de savoir quelles étaient les contreparties principales, qui ont certainement largement profité de la situation.
Je ne ferai pas non plus de commentaire sur l'efficacité du contrôle du risque chez Amaranth, à part pour rappeler qu'un bon contrôle du risque ne veut pas dire que le risque est supprimé, mais qu'il est correctement mesuré, ce qui est très différent. Et une fois que le risque est évalué, encore faut-il le manager, c'est-à-dire prendre les décisions les meilleures possibles pour gérer ses positions.
Ce qui a retenu mon attention dans cette histoire, c'est que cela a été un non événement sur les marchés : pas de problème de contreparties, pas de remontée des volatilités, pas de hausse des credit spreads, et bien entendu pas de craintes systémiques. Quelle différence avec l'épisode LTCM de 1998, qui avait presque envoyé les marchés financiers au tapis ! Les appels de marge ont été payés, le débouclement des positions s'est fait dans un calme relatif, le hedge fund n'est semble-t-il même pas liquidé.
Peut-on en conclure que les marchés financiers sont mieux régulés, que le risk management est meilleur, que les innovations financières de ces dernières années impliquent une plus grande stabilité du système financiers ? On peut le croire. En fait, le faible niveau de volatilité observé sur la plupart des marchés ces dernières années, depuis le pic de 2002, reflète bien ce sentiment. Mais on peut aussi craindre que cette situation soit surtout due aux excellentes conditions économiques, et qu'un environnement plus difficile changerait la donne. Finalement, un problème à ne pas négliger est que cette situation économique favorable conjuguée à l'appréhension d'un faible niveau général du risque sur les marchés entraine les intervenants à prendre plus de risques qu'il ne serait "raisonnable".
Le président de la Réserve Fédérale de New York, Timothy F. Geithner, a justement consacré à ce sujet son intervention à la réunion du FMI à Hong Kong le 15 septembre.