24 décembre 2008

1000 miliards d'euros

Pour être précis, 1013 milliards d'euros. C'est le montant de la dette de l'Etat à fin novembre, selon le bulletin mensuel publié récemment par l'Agence France Trésor. La barre symbolique des 1000 milliards est donc franchie, dans la discrétion. Et il ne s'agit que de la dette de l'Etat, qui ne tient pas compte des multiples satellites : CRDS, SFEF, RFF, RTE, etc ... En tenant compte des quelques milliards supplémentaires émis en décembre, l'Etat aura tout simplement augmenté son endettement d'environ 100 milliards sur la seule année 2008.

Il y a quelques semaines, à l'occasion de la réunion de Poznan sur les discussions relatives au paquet Climat - Energie, les organisations écologistes faisaient paraitre une publicité où, au moyen d'une photo représentant des cheminées d'usines crachant une épaisse fumée noire, notre Président était interpellé avec ce message : "M. Sarkozy, les promesses doivent-elles toujours partir en fumée ?"

Quelle plus belle promesse que celle de rembourser les emprunts émis ? Si nous appliquons à la dette de l'Etat le même raisonnement que celui utilisé par les réchauffistes, qui en continuant à l'identique les tendances passées, nous promettent une hausse des températures de 2° en 2020, savez-vous le résultat obtenu ?

9% de croissance annuelle de la dette jusqu'en 2020 nous donne le total de 2869 milliards. Avec un coût moyen de 5% (en étant optimiste), l'Etat paiera alors 143 milliards d'intérêts, à comparer à environ 48 milliards en 2009, ce qui représentera de l'ordre de 40% des recettes budgétaires. On peut continuer à faire comme si cela est possible, durable pour reprendre une expression à la mode, comme si les investisseurs continueront, comme c'est le cas actuellement, à s'arrracher les émissions publiques en faisant baisser le taux des OAT à 10 ans en-dessous de 3.50%. C'est avec le même raisonnement que les mêmes investisseurs se sont gavés de produits structurés notés AAA, donc aussi sûrs que nos emprunts d'Etat, mais qui rapportaient 200 pb de plus grâce aux crédits hypothécaires qui les constituaient.

Hélas, cela n'est pas possible, pas tenable, pas durable. Une croissance annuelle de 9% à long terme de l'endettement public est tout autant impossible qu'une croissance de 9% à long terme des prix de l'immobilier. Le jour où ce raisonnement sera dominant, le prix de l'OAT aura suivi le même parcours qu'un CDO de subprimes.

Historiquement, comme le rappelait dans sa récente publication mon ami Eric Michelet de la société de gestion de portefeuille GEFIP , les Etats ont disposé de trois moyens, d'ailleurs pas exclusifs les uns des autres, pour se sortir du piège de l'endettement : la banqueroute, l'hyperinflation et la guerre.

Faites votre choix !


11 décembre 2008

Crédit 0%

Cette semaine, le Trésor américain a émis 32 milliards de dollars de Bons du Trésor de maturité 4 semaines, avec un taux de rendement de ... 0% ! Et la demande des investisseurs s'est élevée à 128 milliards ! Pour citer une lettre financière que je reçois : investors had no insistance of a return on their money, satisfied for a return of their money.
Quel avantage à investir dans un instrument dont le rendement est nul, alors qu'on obtient le même résultat en laissant tranquillement l'argent sur un compte bancaire ? Le problème est que l'on n'est plus si tranquille avec un compte bancaire, fut-il ouvert chez Citibank, dont la publicité orne ce billet. Ou bien serait-ce la crainte de déflation, qui fait croire qu'un rendement de 0% procure encore un taux réel positif ? Le marché du crédit est bien malade, beaucoup plus en fait que le marché actions, qui s'est ajusté sur les anticipations de bénéfices.
Sans bien comprendre ce qui se passait, j'ai acheté récemment une obligation convertible remboursable le 1er janvier 2010, qui me procure 27% de rendement en un peu plus d'un an. L'entreprise n'a pas d'autres dettes, génère un cash-flow largement positif, et a bloqué à la banque le montant du remboursement de cette convertible. Est-ce le risque que la banque fasse défaut qui a donné cette rentabilité ? J'ai remarqué qu'un investisseur vendait ses titres par paquets de 500, en ordres cachés, visiblement de façon forcée. J'ai tourné le problème dans mon pauvre cerveau déboussolé, je n'ai pas trouvé d'autre explication à ce qui m'a paru être un cadeau, bien que je ne sois pas vraiment tranquille sur cette opération. Le titre a pourtant repris 12% depuis.
0% pour un Bon du Trésor, 27% pour une obligation privée sans grand risque de défaut : la rémunération du risque ne tourne décidément par rond sur la planète Finance.
Ami lecteur, je sollicite ton avis : peut-être as-tu d'autres idées pour expliquer cette situation ? Je suis curieux de les connaître.

30 octobre 2008

Porsche : un scandale de la réglementation

Les mouvements invraisemblables ces derniers jours sur le titre Volkswagen, du fait de la prise de contrôle rampante par Porsche, sont la conséquence de :
1) Une manipulation de cours délibérément mise en oeuvre par Porsche, de façon scandaleuse, et en violation flagrante des règles normales de fonctionnement des marchés;
2) Une complaisance, pour ne pas dire une complicité, ahurissante de la Bafin, l'autorité allemande de surveillance des marchés;
3) Une faille dramatique de la régulation sur ce marché, où il s'agit visiblement de plumer celui qui n'est pas son petit copain, sans s'embarrasser de notions qui, vues du côté allemand, semblent inutiles, telles que l'équité, la transparence, le respect des minoritaires.
Dans une démocratie fondée sur le respect du droit, dont ce type de comportement prouve que l'Allemagne est bien éloignée, il y a longtemps que Porsche aurait été dans l'obligation de joindre le geste à la parole et de lancer une OPA en bonne et due forme.
Cette manipulation de cours n'aurait JAMAIS due être tolérée. La place des dirigeants de Porsche et de la Bafin, c'est la prison.
Et il est effarant de lire dans des commentaires sur cette affaire que tant de gens se gaussent parce que des hedge funds auraient perdu des milliards dans l'histoire.
Au moment où les dirigeants français se veulent à la pointe dans la "refondation du système financier mondial", la "moralisation de la finance", le "renforcement de la règlementation des marchés", voilà un sujet de discussion tout trouvé pour la prochaine rencontre de Nicolas et Angela.
Comment dit-on Justice en allemand ?

20 octobre 2008

L'enfer des banques

Depuis la journée noire du 10 octobre, où le risque systémique s'est révélé dans toute sa démesure, les plans de sauvetage se sont mis en place, fondés sur la garantie des prêts interbancaires et les recapitalisations publiques des banques, si nécessaire.
Entre le 10 et le 20 octobre, le CAC40 a repris 8,5%, le titre BNP a perdu 8,3%, Sté Générale a dégringolé de 12,1% et Crédit Agricole a rendu 8,6%.
L'Etat sauve les banques, mais leur valeurs boursières baissent, à contre courant de la tendance ! Pour comprendre ce paradoxe, il convient d'avoir à l'esprit que quand l'Etat sauve les banques, il ne sauve pas les actionnaires des banques. C'est la position de ceux-ci qui est reflétée par les cours de Bourse.
La garantie des crédits interbancaires a facilité le refinancement bancaire, comme en témoigne la baisse de l'Euribor 3mois, de 5,40% à 5%.
Le problème des fonds propres est plus compliqué. Les banques peuvent bien dire que leurs fonds propres sont au-dessus du minimum réglementaire, donc sont suffisants. Ce n'est pas forcément l'opinion du marché : le suffisant peut être estimé à un niveau bien supérieur au minimum.
Si l'on suit le raisonnement : une banque a des fonds propres jugés insuffisants par le marché, dans la situation actuelle. Conséquence : nécessité de les améliorer par une augmentation de capital, laquelle risque d'être très dilutive : 40% de décote, 60% de décote, qui dit mieux ?
On comprend donc pourquoi, alors que l'Etat a prévu de consacrer 40 milliards au renforcement des fonds propres des banques, chacune s'est empressée de refuser cette offre, pas si généreuse que ça en fait.
Mais si une banque refuse cette manne, empoisonnée pour ses actionnaires, gare aux conséquences sur sa position concurrentielle, par rapport à d'autres qui bénéficient de cet apport, et de l'amélioration des ratios prudentiels qui en sont la contrepartie.
De plus, si l'Etat recapitalise, il n'aura pas envie que cet argent reparte quelques mois plus chez les actionnaires, sous forme de dividendes. Adieu donc les généreuses politiques de rémunération des actionnaires ! Sans compter, pour les dirigeants, les contreparties en terme de limitation des rémunérations.
On annonce ce soir un apport de fonds propres par l'Etat pour les 6 grandes banques, d'un montant total de 10,5 milliards d'euros. Attendons d'en savoir plus sur les caractéristiques exactes de ces titres subordonnés, qui sont a priori assimilables à des fonds propres, mais sans entrainer de dilution des actionnaires.
Et apprécions l'insistance de Christian Noyer, le Gouverneur de la Banque de France, qui rappelle que les banques n'ont "absolument pas besoin de fonds propres, ni d'être recapitalisées", et que ces fonds devront servir à financer l'économie. On suivra quand même avec attention l'évolution des ratios prudentiels, pour voir s'il y a ou non du deleveraging des banques ...

12 octobre 2008

La Bourse de Tel-Aviv, un indicateur avancé

Si la Bourse de Tel-Aviv est un bon indicateur de la réaction des marchés pour demain matin, alors on a une raison d'être optimiste.
Le marché israélien étant fermé depuis mercredi du fait de Yom Kippour, l'ouverture ce dimanche s'est traduite par une baisse de près de 10%, par arbitrage avec le marché américain où sont également cotées les principales valeurs technologiques israéliennes. Mais la reprise s'est développée au long de la séance, qui s'est terminée par un recul de 3.5%.
Mon post précédent, écrit mercredi 7 octobre, développait une idée qui a finalement fait son chemin : la prise de participation publique dans les banques. Gordon Brown, le premier à s'être lancé dans ce processus, a même repris ma conclusion sur le moment de vérité, sur le perron de l'Elysée à la suite de son entretien avec Nicolas Sarkozy ce dimanche.
Augmentations de capital des banques par injection de capitaux publics, garantie des crédits interbancaires, garantie des dépôts, on voit mal ce que les gouvernements pourraient faire de plus. Si avec ça les marchés ne réagissent pas positivement, c'est qu'il y a vraiment un gros problème. Franchement, je préfère ne pas l'envisager.

07 octobre 2008

Nationaliser les banques ?

Quels sont les remèdes appliqués à ce jour à la crise financière ?
1) Inonder le système bancaire de liquidités. Les banques centrales s'y emploient, à coup de centaines de milliards. Et quand on voit qu'au 30 septembre, les banques de la zone euro avaient mis en dépôt plus de 100 milliards d'euros auprès de la BCE, rémunérés à 3,25%, on imagine à quelle point la peur de l'illiquidité et la crainte généralisée du défaut doivent perturber le sommeil de nombreux banquiers.
2) Soulager les banques en reprenant leurs actifs "toxiques". C'est l'objectif du plan Paulson aux Etats-Unis, sans que l'on sache encore comment cela sera mis en oeuvre, et en particulier à quel prix ces actifs seront rachetés. Payés à un faible prix, ils contraindront les banques à passer de nouvelles provisions, au risque de les enfoncer encore plus; rachetés chers, ils impliqueront des effets d'aubaine, et donneront une prime aux établissements les plus intoxiqués, ce qui n'est guère moral.
3) Garantir les dépôts, afin d'éviter un bank run dévastateur pour la liquidité des banques. C'est la solution actuellement adoptée en Europe, qui porte le risque d'exacerber les peurs.

Par ailleurs, il faut bien comprendre le double impact de la crise financière et de la détérioration du climat économique sur les banques. La baisse du prix des actifs et la hausse de la volatilité augmentent fortement la VaR, value at risk, ce qui nécessite de mobiliser des fonds propres plus importants. De plus, la récession économique va multiplier les défaillances d'entreprises, et donc les prêts non performants. Là aussi, nécessité de fonds propres supplémentaires.

A ce jour, les solutions ont donc traité les actifs , ainsi que les passifs court terme. La déclaration de Trichet faite aujourd'hui à la World Policy Conference organisée par l'IFRI à Evian est peu rassurante : "Il y a des limites à que nous pouvons faire car nous n'avons pas nous-mêmes la capacité d'intervenir lorsque surviennent des problèmes de solvabilité qui sont au-delà des problèmes de liquidité", a dit Jean-Claude Trichet ajoutant que les gouvernements devaient prendre leurs propres responsabilités.
De plan Paulson en G4, la réaction des marchés en ces jours terribles est édifiante.
Conclusion : il reste à traiter la question des fonds propres des banques.
Verra-t-on prochainement une initiative coordonnée des gouvernements afin d'apporter du capital aux banques ? Participations directes des Etats, comme cela vient de se faire au coup par coup; ou bien création d'un fonds public international chargé de prendre ces participations ? J'ai le sentiment que le moment de vérité approche à grands pas.

05 octobre 2008

Safety net

Où se situe le safety net dans le système financier ? En fait, toute banque en bénéficie, de façon plus ou moins formelle, plus ou moins explicite. Une banque n'est en effet pas une entreprise comme n'importe quelle société commerciale : sa fonction de transformation des flux financiers d'une part, le levier de son bilan d'autre part, font qu'une défaillance bancaire implique un risque systémique significatif. L'existence du filet de sécurité est en soi un élément de risque, puisqu'il peut diminuer le sentiment du risque chez les investisseurs comme chez les clients des banques. Et lorsque l'aversion au risque remonte brutalement, la réaffirmation haut et fort de l'existence du safety net par les autorités monétaires et politiques ne contribue pas à rétablir la confiance. Cette question n'est pas nouvelle : Alan Greenspan avait évoqué le sujet en mai 2001.
Actuellement, le marché demande moins de risque, ce qui se matérialise par une exigence de diminution du levier bancaire : diminution des actifs, donc credit crunch, augmentation des fonds propres, donc dilution sévère des anciens actionnaires, comme viennent de le constater ceux de Natixis, de Dexia, et d'autres demain, le stade ultime étant la nationalisation avec une élimination des actionnaires précédents.
Renforcer la réglementation est à double tranchant : monter les ratios de fonds propres accentue le credit crunch. Quand on entend le président des Caisses d'Epargne affirmer d'un ton outragé que son ratio de solvabilité est au-delà des normes réglementaires, on voit bien la confusion qui existe entre des normes minimum et l'appréciation qu'en fait le marché. Après augmentation de capital de Natixis, le titre est encore valorisé à près de 10 € dans les comptes des Caisses d'Epargne, alors qu'il cote 2.50 €. Heureusement que cet établissement n'est pas coté, car la vérité du marché lui aurait été bien cruelle !
La crise n'est donc pas finie, et les autorités politiques et monétaires se préparent encore quelques belles nuits blanches de sauvetage d'établissements financiers illiquides et / ou insolvables.
Mon ami Pascal Quiry, auteur du Vernimmen, vient de publier quelques réflexions sur la crise financière dans sa Lettre Venimmen.net, dont je vous recommande la lecture.

29 septembre 2008

Les banques sont illiquides

Pour comprendre la crise financière actuelle, il est bon de garder à l'esprit les notions suivantes :
- Le vrai métier d'une banque, c'est de faire de la transformation : transformer des ressources à court terme en emplois à long terme. Par définition, une banque est donc ILLIQUIDE. La maturité de son actif est toujours plus longue que celle de son passif, que les ressources soient des dépôts de la clientèle ou des fonds empruntés sur le marché. Transformer l'actif en un instrument négociable sur un marché n'y change rien; cela ne fait que déplacer le problème.
Une banque, et le système bancaire en général, ne fonctionne donc que sur la CONFIANCE : si la banque ne peut plus trouver de ressources sur le marché, ou si les déposants craignent pour leur argent, le risque d'illiquidité se matérialise. Vous pourrez créer toutes les régulations, règlementations, instances de supervision nationales ou internationales que vous voulez, cela n'y change rien.
Et sur ce point, la structure de capital de la banque est de peu d'influence.
Ce 29 septembre, DEXIA et NATIXIS perdent plus de 25% en bourse. DEXIA est détenue par des collectivités publiques belges et par la CDC; NATIXIS est détenue pas les Banques Populaires, groupe mutualiste, et les Caisses d'Epargne, dans le giron de la CDC toujours. Ce ne sont pas des actionnaires court-termistes ou spéculateurs avides de profits immédiats.

27 septembre 2008

4281 € par seconde

L'AFT, Agence France Trésor, vient de publier le programme de financement de l'Etat pour 2009. On y apprend que l'Etat va émettre pour 135 milliards de BTAN et OAT (obligations à moyen et long terme), et augmenter de 25 milliards l'encours des BTF (bons de maturité inférieure à 1 an).
Avec quelques milliards de ressources de trésorerie supplémentaires, cela servira à rembourser 112 milliards d'emprunts venant à échéance en 2009, et à financer le déficit budgétaire, prévu à 52 milliards.
Foin des milliards ! Ces chiffres abstraits signifient en fait que les émissions de dette à moyen et long terme seront de 4281 € par seconde, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an !
Un quart de seconde pour emprunter l'équivalent d'un SMIC !
Depuis plusieurs mois, les banques sont aux prises avec des difficultés effroyables d'accès aux liquidités, au point que les autorités monétaires en déversent tous les jours par dizaines de milliards.
Heureusement que le Trésor n'a pas ces soucis. Les agences de notation, si décriées par les instances dirigeantes, ont encore la bonté de décerner le prestigieux AAA à la dette française. Pourvu que ça dure, et que l'AFT conserve longtemps la possibilité d'émettre à ce train d'enfer...
A quand des efforts sérieux pour améliorer la productivité publique, simplifier le fonctionnement administratif à tous les étages ? Pourquoi ne serions-nous pas capable de répliquer ce que le Canada, la Suède ou la Nouvelle-Zélande ont su faire, en matière de réduction des dépenses publiques ?
Décidément, l'Etat est toujours autant dépensophile, budgétivore et déficitophage !

06 septembre 2008

Tours et bulles




Ce 4 septembre, conférence à l'Association HEC de l'économiste Philippe Sigogne, invité par le groupement Marchés de Capitaux.
A retenir de son intervention, le risque d'un ralentissement de la croissance chinoise vers 4 ou 5%, donc beaucoup plus marqué que le consensus et les prévisions chinoises officielles.
A la question de savoir vers quels actifs vont se diriger les flux de liquidités, et où se situent les risques de nouvelle bulle, il répond très directement : pour savoir où va être la prochaine bulle, je regarde celui qui construit la tour la plus haute.
Voyons cela de plus près. N°1 : Burj Dubaï, 705 m, 160 étages; N°2 : Guanghzou Twin Towers, 515 m, 131 étages.
Quand des pays sont destinataires d'énormes flux de liquidités, du fait de leurs exportations, se pose évidemment la question du recyclage, et du risque que les allocations d'actifs qui en résultent ne soient pas optimales, pour dire les choses gentiment. Et lorsque les hommes font des comparaisons pour savoir celui qui a la plus grande, on n'a pas en général un comportement très intelligent.
Actuellement, les fonds chinois et du Moyen-Orient font figure de sauveurs en renflouant les banques prises les bras jusqu'au coude dans le pot de confiture des subprimes. Il ne faut pas en déduire automatiquement que les banquiers occidentaux sont des andouilles avides, et qu'eux sont des investisseurs intelligents.
Le journal Les Echos publiait hier un papier sur Al-Fayed (celui du Ritz, de Harrod's et de Lady Di) qui propose aux investisseurs français, triés sur le volet (sic), de devenir propriétaire d'appartements de grand luxe à Dubaï : 292.000 € pour un studio, 929.000 € pour un 2 pièces, de 153 m² tout de même, avec vue sur la mer.
Heureusement que je ne fais pas partie de cette clientèle d'exception, invitée au Ritz : aurais-je su résister à la tentation ?
Et un zéro pointé à la journaliste des Echos, ainsi qu'à son rédac'chef, qui parce qu'elle a été invitée à un fastueux cocktail dans un palace, se livre sans la moindre once d'esprit critique à une opération de propagande parfaitement grotesque.

02 septembre 2008

L'état de la gauche, l'état de la droite

La crise financière actuelle conserve le nom de crise des "subprimes", comme s'il ne s'agissait que d'une question liée à ces crédits immobiliers américains. Je ne vais pas faire un historique de la crise, ou me lancer dans de longues explications. Remarquons tout de même qu'il n'y a rien de plus banal que de voir des banques supporter des crédits non performants, pour lesquels les emprunteurs font défaut, de constater que le collatéral qui doit garantir ces crédits est aussi solide qu'un chateau de sable, ainsi que de détenir des titres dont la valeur de marché est inférieure au prix d'achat. C'est bien un des fondements du métier de banquier que de gérer ce genre de situation.

Le côté gauche des bilans bancaires est donc dans un état moins reluisant qu'avant, sachant cependant que les années d'avant la crise ont été exceptionnelles en terme de faiblesse du coût du risque et d'étroitesse des marges de crédit.

La crise financière concerne beaucoup plus le côté droit des bilans, c'est-à-dire les ressources. Les difficultés de financement des banques sont vraiment hors du commun, en durée comme en ampleur. Le guichet de refinancement des banques centrales devient une ressource permanente, les taux Euribor à 75 pb au-dessus de l'Eonia démontrent les tensions permanentes sur le marché monétaire, les spreads de crédit sur les émissions bancaires à moyen et long terme sont dignes des pires junk bonds. Dans les bilans des banques, c'est donc bien l'état de la partie droite qui est inquiétant, et potentiellement la plus dangereuse pour ce qui est du risque systémique.

A méditer ce dicton bien connu des auditeurs : on the left side, there is nothing right, on the right side, there is nothing left.

07 juillet 2008

Mettez-vous au vert !

Crédit Agricole SA a publié la semaine dernière un communiqué triomphal pour annoncer la réussite de son augmentation de capital de 5,9 milliards d'euros. Les caisses régionales, détenant 54% du capital, ont souscrit à proportion de leurs droits, et s'étaient engagées à souscrire au besoin tous les autres nouveaux titres. Il n'y avait donc pas vraiment de suspense. Néanmoins, la sursouscription a atteint 130% pour la part hors caisses régionales.

Pour donner quelques chiffres, il faut se rappeler que le titre valait 16.68 € le 4 juin, juste avant l'annonce de l'opération; le 5 juin, il clôturait à 15,34 €, ce qui donnait, le 6 juin, date du détachement du droit de souscription, un cours théorique de 14,15 euros et donc une valeur du droit de 1,19 €. Il vaut aujourd'hui 12 €, soit encore 15% plus bas.

L'augmentation de capital s'est effectué sur un prix de souscription de 10,60 €, à raison de 1 action nouvelle pour 3 anciennes. Le prix de souscription représente donc une décote de près de 40% par rapport au cours d'avant l'annonce de l'opération.

Ce niveau de décote est similaire à celui consenti par la Société Générale en janvier, dans des circonstances autrement plus délicates, et alors que la SG ne dispose pas d'un actionnaire de référence détenant la majorité du capital.

Cela donne une idée de la détérioration du secteur bancaire depuis le début de l'année, même pour un établissement tel que le Crédit Agricole, qui a priori ne devrait pas être le plus en difficulté pour se financer.

Faut-il y voir l'impact des nouvelles normes prudentielles ? En effet, les modèles de calcul d'exigence de fonds propres sont fondés sur des analyses de risque, de marché en particulier, donc de VaR, Value at Risk. Quand les marchés sont très volatils, la VaR augmente pour un même niveau de positions, et donc les fonds propres à y affecter augmentent également. Inversement, à niveau de fonds propres inchangé, la taille des positions doit être réduite. Si maintenant le régulateur décide de durcir les exigences prudentielles, comme cela est le cas, le besoin de fonds propres se fait cruellement sentir, et d'autant plus si la banque doit provisionner et afficher des pertes. L'autre solution, qui n'est d'ailleurs pas exclusive, est de sabrer dans les activités les plus risquées; c'est aussi le choix du Crédit Agricole. Dans ce cas, on peut dire au revoir aux promesses, intenables, de rentabilité des fonds propres à 20 ou 25%.

Indéniablement, les normes prudentielles Bâle II sont pro cycliques.

Peut-être aurait-il fallu intituler ce post : Recherche fonds propres désespérement; ou bien : Looking for Mr. Stockholder.



04 juillet 2008

Transparent comme le verre SAINT GOBAIN

La prise de participation de WENDEL dans SAINT GOBAIN soulève une question intéressante sur les limites de la « transparence », aux vertus si unanimement louées.
Rappelons que WENDEL a acquis, fin 2007, une participation de 21% dans le groupe SAINT GOBAIN, à un prix moyen de l'ordre de 68 €, pour environ 80 millions de titres.
SAINT GOBAIN cote aujourd'hui 37 €, ce qui représente une baisse de 46%, et une moins-value potentielle pour WENDEL de 2,5 milliards d'euros.
Mais WENDEL nous explique que sa moins value est plus faible, car il a couvert sa position en achetant des puts sur environ 40% de sa participation.
Imaginons la position en options, en fonction des hypothèses suivantes :
- Achat de puts échéance 1 an, prix d'exercice 55 €, sur un cours spot de 65 € pour SGO.
- Delta de ce put : -0,21 : le delta mesure la variation du prix de l'option pour une variation de 1 point du sous-jacent,
- Quantité : 40% de la position, soit un équivalent de 32 millions d'actions.
Pour couvrir sa position, le market maker qui lui a vendu les puts (BNP, SG, CITI, GOLDMAN ?) a donc vendu : 32 millions* 0,21 = 6,72 millions de titres SGO. Ce n'est pas négligeable, sachant qu'il se traite tous les jours entre 4 et 5 millions de titres sur SGO.
Ayant fait cette transaction, le market maker est certes couvert, delta neutre comme on dit, mais il est gamma négatif, c'est-à-dire que pour garder une position delta neutre, il doit vendre du SGO chaque fois que le titre baisse, et en racheter quand il monte.
Sur le cours actuel de 37 €, le delta du put est maintenant de -0,85. Cela signifie que le market maker doit à ce jour être vendeur de : 32 * 0,85 = 27,2 millions de titres pour être couvert, titres vendus entre le moment où la couverture a été mise en place et aujourd'hui. Cela représente 20,48 millions de titres supplémentaires, ou 5,35% du capital de SGO ! Et plus le titre baisse, plus le delta se creuse, et plus le market maker doit continuer à vendre.
Transparence, transparence. WENDEL ayant révélé l'achat de son put SGO, pour montrer qu'il était en partie protégé contre la baisse de la valeur de son investissement, tout le marché est maintenant informé que plus SGO baisse, plus le market maker est obligé de vendre pour rester delta neutre, alimentant ainsi la baisse du cours ! Il serait d'ailleurs intéressant de regarder le marché du prêt-emprunt de titres sur la valeur. Sachant cela, que croyez-vous que vont donc faire les arbitragistes ? Vendre bien entendu ! Et tout le monde se rachètera en masse dès que le marché se retournera. Allez vous étonner après que la volatilité sur SGO soit passée de 15% à 45%.
Pour être juste, cette opération n'est pas la seule cause de la baisse de SGO, ni de l'augmentation de la volatilité; c'est aussi une situation générale sur le marché, encore plus accentuée sur les valeurs liées au secteur de la construction.
Comme quoi la transparence n'est pas une réponse à l'effondrement du marché, ni à la hausse de la volatilité.