25 janvier 2007

L'ISF de nos candidats

Les discussions sur l'ISF de nos candidats ont attiré mon attention sur 2 points.
- Tout d'abord, on y parle surtout de stock, et non pas de flux. Normal pour se faire une idée du patrimoine, mais n'aurait-il pas été aussi intéressant de connaître la façon dont le patrimoine s'est constitué, et donc de regarder ce que gagnent nos candidats ? Si certains disent que l'on fait partie des riches avec un revenu mensuel de 4000 €, autant savoir ce qu'ils gagnent ! On n'aura pas à mon avis de surprises, mais plutôt des confirmations.
- D'autre part, avez-vous remarqué la composition de ces patrimoines ? De l'immobilier, de l'immobilier et de l'immobilier, plus des voitures, qui sont d'ailleurs plus des biens d'équipement que du patrimoine. Ségolène Royal annonce fièrement qu'elle ne possède ni actions, ni obligations, ni assurance-vie. François Bayrou, qu'on a déjà connu plus inspiré, se vante lui aussi de ne pas avoir de valeurs mobilières, mais il est vrai qu'il a des chevaux de course. A l'extrême gauche, on n'est pas surpris de ne pas voir de titres. De Villiers non plus n'en a pas. Pour Nicolas Sarkozy, je n'ai pas l'info. Seule Corinne Lepage avoue, sans les valoriser, des comptes d'épargne et de l'assurance-vie, en sus de son appartement parisien et de sa maison de Cabourg.
En clair, si on veut avoir la confiance des Français, on peut s'afficher sans problème avec de la pierre, l'investissement tranquille du père de famille avisé, mais surtout pas avec des actions, qui vous ont un côté spéculateur fort malsain. L'ISF de nos candidats nous en apprend plus sur l'opinion du bon peuple vis-à-vis du concept de richesse, ou supposée telle, que sur la richesse réelle des impétrants, au demeurant fort médiocre. On a presque envie de se dire : mais que font-ils de ce qu'ils gagnent ?
Et s'ils sont un exemple pour le peuple, on comprend mieux pourquoi les 877 milliards de dette de l'Etat sont détenus à 60% par des étrangers fin novembre, selon les chiffres publiés par l'Agence France Trésor, contre 54% un an plus tôt. Cela veut dire que les français ont vendu pour plus de 50 milliards de leur portefeuille d'OAT et de BTAN aux non résidents. Heureusement que les étrangers sont là ! On comprend mieux pourquoi la plupart des sociétés du CAC40 sont détenus à plus de 50% par ces mêmes non résidents, pourquoi le premier actionnaire de Total est le fonds de reconversion pétrolière de Norvège, devant le belge Albert Frère, lequel est aussi le premier actionnaire de Suez et de Lafarge.
En effet, si même ceux qui aspirent à devenir Président(e) de la France n'ont pas suffisamment confiance dans la dette publique française pour y souscrire, n'ont pas assez envie de participer au développement des entreprises françaises pour y investir, on se demande pourquoi le bon peuple le ferait !
Décidemment, moi qui détient des OAT et des actions de nos fleurons industriels, je me suis trouvé une autre bonne raison de me faire non résident !

10 janvier 2007

Ainsi va janvier

J'aime bien l'alliance de la théorie financière et des bons vieux dictons boursiers. Je rappelle donc celui sur janvier, qui dit que l'année va comme janvier, et que janvier va comme la première semaine de janvier. Compte-tenu que mardi 2, Wall Street était fermée, nous voici ce soir au terme des 5 premiers jours de bourse à New-York. Le moment est donc venu de faire le point.
Résultat : entre le 29-12-2006 et le 09-01-2007, le DJIA est passé de 12463 à 12416, soit une baisse de 0,4%; le SP500 a baissé de 1418 à 1412, également -0,4%. Au contraire, le Nasdaq (merci Apple et son iPhone) a monté de 2415 à 2443, soit 1,2%. Il y a un an, les indices américains avaient pris 4 à 6% sur la première semaine.
Conclusion : rien de bien clair à en tirer, c'est l'incertitude qui domine. Quand on regarde les prévisions sur l'évolution de la politique monétaire de la FED pour 2007, certains disent qu'elle remontera les taux jusqu'à 6%, sous l'effet de pressions inflationnistes; d'autres prévoient au contraire une baisse sous 4%, du fait de l'extension de la récession immobilière à l'ensemble de l'économie. Ca laisse de la place aux opinions les plus variées !


Peut-être un regard sur la volatilité nous apprendrait quelque chose ?
Voici le chart du VIX, l'indice de volatilité implicite des options sur le SP500, pour l'année 2006. Après le pic de mai juin, le VIX est redescendu tranquillement, passant même sous le niveau extrêmement faible de 10% mi décembre. On est actuellement vers 12%, ce qui mathématiquement correspond à un écart-type de variations quotidiennes de l'indice d'environ 0,75% : pas beaucoup. Historiquement, le VIX a une corrélation négative : -0,63, avec le SP500 : c'est l'indice de la peur sur le marché. Son faible niveau actuel témoigne d'une certaine confiance du marché, ou plutôt d'une faible aversion au risque. Les intervenants sur le marché ont évolué également, sachant qu'il y a maintenant beaucoup plus de traders et de vendeurs de volatilité, hedge funds par exemple. Une franche remontée du VIX serait à coup sûr un signal très négatif; pour le moment, elle n'est pas visible.
Il y a 6 mois, j'avais posté un message intitulé "Un changement d'opinion" Dans la même veine, j'ai remarqué ces jours-ci la conjonction de la baisse des matières premières, pétrole y compris, avec la remontée des taux d'intérêt, OAT et Bunds à 10 ans s'affichant au-dessus de 4%, comme d'ailleurs l'EURIBOR 1 an. Cela peut bien sûr s'expliquer par l'effet expansionniste de la baisse des commodities, d'où l'impact potentiellement haussier sur l'inflation. Cependant, c'était plutôt le raisonnement inverse qui avait habituellement cours : la hausse des commodities, alimentée par la forte croissance, risquait de se diffuser à toute la chaîne des prix. Et c'est bien ce raisonnement qui avait alimenté, pour une part, les relèvements de taux par les banques centrales.
Décidément, j'ai le sentiment que l'année 2007 nous réserve bien des surprises sur les marchés !

08 janvier 2007

Panne de croissance et coût du capital

La panne de croissance en France résulte en bonne partie de la faiblesse de l'investissement, comme le montrent les chiffres publiés par l'INSEE pour le 3ème trimestre.
C'est l'occasion de revenir sur les déterminants de l'investissement.
A quelles conditions un dirigeant d'entreprise va-t-il réaliser un investissement ? Quand la rentabilité de cet investissement sera supérieur au coût du capital. Pour dire les choses plus simplement, quand ça rapporte plus que ça ne coûte. Elémentaire, en effet.
Une chose est de calculer combien ça rapporte, une autre combien ça coûte. C'est ici que survient le coût du capital : coût moyen pondéré de la dette et des fonds propres. Pour quelle raison : parce que le coût du capital est justement le taux de rentabilité exigé pour réaliser l'investissement.
Si l'entreprise finance l'investissement pour moitié par de la dette et pour moitié sur fonds propres, il ne faut pas croire que les fonds propres sont gratuits et que seul le taux d'intérêt de la dette importe. Le coût des fonds propres est égal au taux de rentabilité exigé par un investisseur pour investir sur un projet de même niveau de rentabilité et de même risque, dans une logique d'arbitrage.
La théorie des marchés financiers nous apprend que ce taux est égal à la somme de plusieurs éléments.
- Tout d'abord, le taux sans risque, généralement évalué par le taux des obligations d'Etat à long terme, près de 4% actuellement.
- D'autre part, la prime de risque exigée pour investir sur un instrument de risque plus élevé que ce titre d'Etat. Pour une action cotée, on parle de la prime de risque du marché multipliée par le facteur Bêta, lequel représente le rapport entre le risque du titre et le risque du marché.

S'il y a donc peu, ou pas assez d'investissements, qui passent la barre du coût du capital, c'est peut-être que la rentabilité n'est pas suffisante : avantage concurrentiel insuffisant, charges pesant sur le travail, pricing power trop faible.
C'est peut-être aussi que le coût du capital est contraint par des facteurs de risque : si l'environnement réglementaire et fiscal est mouvant et imprédictible; si son accumulation en strates successives, parfois contradictoires, entraîne des coûts de suivi et de gestion importants, cela implique un risque supplémentaire. Le coût de ce risque, c'est-à-dire la rémunération qu'en exige un investisseur pour accepter de le supporter, se retrouve dans le coût du capital. Difficile à évaluer, certes. Mais l'oublier au prétexte qu'il est difficile à évaluer est une erreur. En bon pragmatique, je regarde d'abord ce que m'apprend la théorie, plutôt que d'en faire fi.
Donc petit conseil de politique économique : plutôt que de bidouiller tous les jours les lois, réglements, taxes et autres impôts, s'en tenir à la règle des 3 S : simplicité, stabilité, sécurité.
Pour conclure, j'ai envie de citer encore une fois Alan Greenspan (discours du 14-12-2005 à la NewYork University) : "All market economies require a rule of law to function : laws of contracts, protection of property rights, and a general protection of citizens from arbitrary actions of the state."