29 septembre 2008

Les banques sont illiquides

Pour comprendre la crise financière actuelle, il est bon de garder à l'esprit les notions suivantes :
- Le vrai métier d'une banque, c'est de faire de la transformation : transformer des ressources à court terme en emplois à long terme. Par définition, une banque est donc ILLIQUIDE. La maturité de son actif est toujours plus longue que celle de son passif, que les ressources soient des dépôts de la clientèle ou des fonds empruntés sur le marché. Transformer l'actif en un instrument négociable sur un marché n'y change rien; cela ne fait que déplacer le problème.
Une banque, et le système bancaire en général, ne fonctionne donc que sur la CONFIANCE : si la banque ne peut plus trouver de ressources sur le marché, ou si les déposants craignent pour leur argent, le risque d'illiquidité se matérialise. Vous pourrez créer toutes les régulations, règlementations, instances de supervision nationales ou internationales que vous voulez, cela n'y change rien.
Et sur ce point, la structure de capital de la banque est de peu d'influence.
Ce 29 septembre, DEXIA et NATIXIS perdent plus de 25% en bourse. DEXIA est détenue par des collectivités publiques belges et par la CDC; NATIXIS est détenue pas les Banques Populaires, groupe mutualiste, et les Caisses d'Epargne, dans le giron de la CDC toujours. Ce ne sont pas des actionnaires court-termistes ou spéculateurs avides de profits immédiats.

27 septembre 2008

4281 € par seconde

L'AFT, Agence France Trésor, vient de publier le programme de financement de l'Etat pour 2009. On y apprend que l'Etat va émettre pour 135 milliards de BTAN et OAT (obligations à moyen et long terme), et augmenter de 25 milliards l'encours des BTF (bons de maturité inférieure à 1 an).
Avec quelques milliards de ressources de trésorerie supplémentaires, cela servira à rembourser 112 milliards d'emprunts venant à échéance en 2009, et à financer le déficit budgétaire, prévu à 52 milliards.
Foin des milliards ! Ces chiffres abstraits signifient en fait que les émissions de dette à moyen et long terme seront de 4281 € par seconde, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an !
Un quart de seconde pour emprunter l'équivalent d'un SMIC !
Depuis plusieurs mois, les banques sont aux prises avec des difficultés effroyables d'accès aux liquidités, au point que les autorités monétaires en déversent tous les jours par dizaines de milliards.
Heureusement que le Trésor n'a pas ces soucis. Les agences de notation, si décriées par les instances dirigeantes, ont encore la bonté de décerner le prestigieux AAA à la dette française. Pourvu que ça dure, et que l'AFT conserve longtemps la possibilité d'émettre à ce train d'enfer...
A quand des efforts sérieux pour améliorer la productivité publique, simplifier le fonctionnement administratif à tous les étages ? Pourquoi ne serions-nous pas capable de répliquer ce que le Canada, la Suède ou la Nouvelle-Zélande ont su faire, en matière de réduction des dépenses publiques ?
Décidément, l'Etat est toujours autant dépensophile, budgétivore et déficitophage !

06 septembre 2008

Tours et bulles




Ce 4 septembre, conférence à l'Association HEC de l'économiste Philippe Sigogne, invité par le groupement Marchés de Capitaux.
A retenir de son intervention, le risque d'un ralentissement de la croissance chinoise vers 4 ou 5%, donc beaucoup plus marqué que le consensus et les prévisions chinoises officielles.
A la question de savoir vers quels actifs vont se diriger les flux de liquidités, et où se situent les risques de nouvelle bulle, il répond très directement : pour savoir où va être la prochaine bulle, je regarde celui qui construit la tour la plus haute.
Voyons cela de plus près. N°1 : Burj Dubaï, 705 m, 160 étages; N°2 : Guanghzou Twin Towers, 515 m, 131 étages.
Quand des pays sont destinataires d'énormes flux de liquidités, du fait de leurs exportations, se pose évidemment la question du recyclage, et du risque que les allocations d'actifs qui en résultent ne soient pas optimales, pour dire les choses gentiment. Et lorsque les hommes font des comparaisons pour savoir celui qui a la plus grande, on n'a pas en général un comportement très intelligent.
Actuellement, les fonds chinois et du Moyen-Orient font figure de sauveurs en renflouant les banques prises les bras jusqu'au coude dans le pot de confiture des subprimes. Il ne faut pas en déduire automatiquement que les banquiers occidentaux sont des andouilles avides, et qu'eux sont des investisseurs intelligents.
Le journal Les Echos publiait hier un papier sur Al-Fayed (celui du Ritz, de Harrod's et de Lady Di) qui propose aux investisseurs français, triés sur le volet (sic), de devenir propriétaire d'appartements de grand luxe à Dubaï : 292.000 € pour un studio, 929.000 € pour un 2 pièces, de 153 m² tout de même, avec vue sur la mer.
Heureusement que je ne fais pas partie de cette clientèle d'exception, invitée au Ritz : aurais-je su résister à la tentation ?
Et un zéro pointé à la journaliste des Echos, ainsi qu'à son rédac'chef, qui parce qu'elle a été invitée à un fastueux cocktail dans un palace, se livre sans la moindre once d'esprit critique à une opération de propagande parfaitement grotesque.

02 septembre 2008

L'état de la gauche, l'état de la droite

La crise financière actuelle conserve le nom de crise des "subprimes", comme s'il ne s'agissait que d'une question liée à ces crédits immobiliers américains. Je ne vais pas faire un historique de la crise, ou me lancer dans de longues explications. Remarquons tout de même qu'il n'y a rien de plus banal que de voir des banques supporter des crédits non performants, pour lesquels les emprunteurs font défaut, de constater que le collatéral qui doit garantir ces crédits est aussi solide qu'un chateau de sable, ainsi que de détenir des titres dont la valeur de marché est inférieure au prix d'achat. C'est bien un des fondements du métier de banquier que de gérer ce genre de situation.

Le côté gauche des bilans bancaires est donc dans un état moins reluisant qu'avant, sachant cependant que les années d'avant la crise ont été exceptionnelles en terme de faiblesse du coût du risque et d'étroitesse des marges de crédit.

La crise financière concerne beaucoup plus le côté droit des bilans, c'est-à-dire les ressources. Les difficultés de financement des banques sont vraiment hors du commun, en durée comme en ampleur. Le guichet de refinancement des banques centrales devient une ressource permanente, les taux Euribor à 75 pb au-dessus de l'Eonia démontrent les tensions permanentes sur le marché monétaire, les spreads de crédit sur les émissions bancaires à moyen et long terme sont dignes des pires junk bonds. Dans les bilans des banques, c'est donc bien l'état de la partie droite qui est inquiétant, et potentiellement la plus dangereuse pour ce qui est du risque systémique.

A méditer ce dicton bien connu des auditeurs : on the left side, there is nothing right, on the right side, there is nothing left.