12 décembre 2006

Euro et dollar : qui donne le change ?

De gauche comme de droite, les coups bas continuent de pleuvoir contre la BCE, accusée par tous, après la remontée de son taux directeur de 25 points à 3.50%, de casser la croissance ou de favoriser un euro trop fort qui rend les économies européennes moins compétitives sur la scène internationale.
J'ai plusieurs éléments de réponse pour rassurer ces incultes économiques. Tout d'abord, observons que le dollar a remonté contre l'euro après la décision de la BCE d'augmenter ses taux. OK, buy the rumor, sell the news; mais quand même. Voyons ensuite le niveau relatif des taux en € et en $ : taux courts € = 3.50%, $ = 5.25%. Taux longs (bonds 10 ans) € = 3.75%, $ = 4.50%. Conclusion : pour les taux courts, avantage $ de 175 bp, pour les taux longs, avantage $ de 75 bp. Le dollar rapporte plus que l'euro, mais on nous dit quand même que les US favorisent la faiblesse du dollar, et que la BCE est sourde, ou autiste. Peut-être que le grand capital international est à la solde de la CIA, pour faire baisser le dollar contre l'euro, même s'il rapporte plus, et favoriser ainsi l'économie américaine contre l'européenne.
S'il suffisait pour une banque centrale de remonter ses taux d'intervention pour faire monter le cours de sa monnaie, le XXème siècle nous aurait montré que le deutsche mark et le franc suisse étaient des devises en perdition, alors que le réal brésilien et le peso argentin auraient été à l'avant-garde des monnaies fortes et des économies florissantes.
Pour regarder l'impact du change sur l'activité économique, il est utile de comparer les statistiques du commerce extérieur de la France, en léger déficit, et de l'Allemagne, en excédent record. Pourtant, le commerce extérieur allemand est plus développé hors de la zone euro que le français, et les exportations allemandes croissent plus vite hors zone euro, où elles sont le plus exposées à l'effet devise, que dans la zone euro. L'effet change ferait-il pourtant plus mal en France qu'outre-Rhin ? Ou bien c'est que le critère de la parité de change n'est pas l'élément essentiel.
Pour finir, je vous propose de lire ce que racontait hier soir Alan Greenspan, l'ancien président de la FED, alors qu'il était interviewé par Bibi Netanyahou lors de l'Israel Business Conference organisée par le journal Globes : “It’s not that the interest on the dollar isn’t good enough. The problem lies in the balance of payments. I expect that the dollar will continue to head downward until there is change in the US’s balance of payments. Some of the members of the OPEC oil group have begun to convert their dollar currency reserves into euros and yen.” Bien que retiré des affaires, Alan continue d'influencer, car le dollar a décroché de près de 70 bp dès publication de cette interview. Et pourtant, l'information sur l'OPEP avait été publiée la veille dans le rapport trimestriel de la BRI (page 3), et n'avait pas fait de vagues.
Et pour ceux qui pensent encore que les gouverneurs de banque centrale déterminent les taux de change, j'ai noté cette savoureuse remarque du même Alan Greenspan, dans la même interview : "We spent a lot of time trying to predict what the dollar-euro exchange rate would be and then we realized that there is so much sophistication in the market, predicting the dollar rate would be just as helpful as trying to flip a coin and predict which side it will land on."

07 décembre 2006

L'étau se resserre sur les taux


Facile comme jeu de mot. Et dire que je l'ai déjà utilisé lorsque je vendais du contrat PIBOR chez un courtier Matif. A l'époque, le scénario se jouait aussi à Francfort, mais il s'agissait de Buba. Au fait, qui trouvera un petit surnom pour l'antre de nos amis de la BCE ? Donc, on est monté à 3.50%, et nos politiques, en plein désarroi, pleurent et tempêtent et craignent pour leur croissance. Elle est donc si fragile, ils ont donc si peu confiance en leur action ? Pas de panique, les taux à long terme sont toujours bas : 3.71% aujourd'hui pour les emprunts d'Etat à 10 ans. Comme le dit si bien JC Trichet, les anticipations d'inflation à moyen et long terme restent ancrées à des niveaux compatibles avec la stabilité des prix (pour ceux qui ont envie de le lire dans le texte, c'est ici). Et puis, les taux d'intérêt ont-ils vraiment tant d'importance pour l'activité économique ?

Allez faire un tour dans une rue commerçante, parlez avec les boutiquiers : ce n'est pas Trichet et ses taux qui font la pluie et le beau temps pour le business des vendeurs de vêtements, c'est bien la météo. On bien baguenaudez dans les déserts économiques que sont trop souvent nos banlieues, et demandez à un jeune chômeur s'il en veut à la BCE d'avoir serré de 25 bp ses taux, parce que cela va freiner la croissance, et donc nuire à ses perpectives d'emploi. Oups, serez-vous bien compris ? D'ailleurs, voici le titre d'un journal indien à ce sujet, le Financial Express : "ECB raises rate to 3.5% to boost growth". Raccourci saisissant, n'est-il pas ?

Il m'est avis que lorsque l'on s'intéresse aux déterminants du coût du capital, le taux de refinancement fixé par la Banque Centrale n'est pas le seul élément important. Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt le sujet d'un prochain post.

16 novembre 2006

Professor Milton FRIEDMAN died today

On annonce aujourd'hui la mort de Milton FRIEDMAN, à 94 ans.
Chef de file de l'école monétariste, les Chicago Boys, sa pensée est étroitement associée à la politique économique de l'ère Reagan et Thatcher. L'idée forte est que le point essentiel sur lequel les autorités doivent agir est représenté par la masse monétaire, sur laquelle on intervient principalement via les taux d'intérêt fixés par la Banque Centrale. L'objectif est d'assurer une croissance régulière de la masse monétaire, non inflationniste. Dans son livre publié en 1963, "A Monetary History of the United States, 1867-1960", il a montré que les récessions ont été précédées par des contractions de la masse monétaire. C'est particulièrement vrai pour la crise qui a suivi de krach boursier de 1929.
Son livre le plus connu est "Capitalism and Freedom", traduit en 1971 en français sous le titre "Capitalisme et Liberté", recueil d'articles et de conférences.
Au début des années 1980, l'application pratique de sa pensée a conduit à la période de forte hausse des taux d'intérêt, pour lutter contre l'inflation. La France de 1981-1982, avec son gouvernement bien à gauche, a d'ailleurs suivi le mouvement.
Milton Friedman expliquait également qu'il y avait un taux de chômage naturel minimum, et que les politiques expansionnistes visant à le faire baisser conduisaient invariablement à de l'inflation. Je me souviens à ce sujet que lorsque je travaillais sur le Matif, les réactions du marché, sur le contrat notionnel, étaient l'illustration parfaite de la théorie monétariste. Baisse du chômage => hausse des taux, et donc baisse immédiate du contrat; on cherchait à quel point se situait le "nairu" : non accelerating inflation rate of unemployment. De nombreux indicateurs, comme le taux d'utilisation des capacités industrielles, servaient de proxy pour évaluer le nairu.
De nos jours, l'action des banques centrales indépendantes est imprégnée de la pensée du Professeur Friedman, ce qui est une source de critiques permanentes envers la BCE, en particulier.
La "nouvelle économie" du XXI ème siècle a cependant montré que l'on pouvait faire descendre le taux de chômage aux USA à des niveaux proches de 4%, sans accélération de l'inflation. C'est plutôt une preuve de la réussite des politiques économiques et monétaires fondées sur les apports de Milton Friedman : finalement, le nairu n'est pas fixe, mais peut baisser.
Si vous voulez lire un peu de Friedman, je vous suggère son discours pour la réception du Prix Nobel d'Economie en 1976, ainsi que cet intéressant article publié par le Wall Street Journal en 2003.

06 novembre 2006

Républicains vs démocrates



Je ne ferai pas plus de pronostic politique que de pronostic boursier. A la veille des scrutins mid terms aux Etats-Unis, je ne participe pas non plus à la bushophobie de bon aloi en France. J'ai seulement envie de rappeler que lorsque le Président et le Congrès sont de bords opposés, les deux pouvoirs s'équilibrent, ce qui fait que le moment n'est pas idéal pour de grandes réformes. Historiquement, c'est justement pendant ces périodes que la Bourse performe le mieux. Comme si l'incapacité du pouvoir était la situation idéale pour l'économie. Comme quoi l'Etat fort se confond trop souvent avec l'interventionnisme intempestif. A méditer pour la conduite des affaires dans notre pré carré, ou plutôt hexagonal.

21 octobre 2006

Une aubade pour Ségolène

Un coup à droite, un coup à gauche. Après Edouard Balladur et les stock options, affaire qui s'est d'ailleurs plutôt bien terminée, voici Ségolène Royal dans une affaire de petites culottes. Vous n'avez pas manqué son interview dans un quotidien anglais la semaine dernière, réalisée juste après une rencontre avec les ouvrières de la marque de lingerie Aubade, menacées de délocalisation. Que nous propose Ségolène ?
“We have to prevent this wildcat outsourcing,” she said. “The workers have no power. We need to tax businesses who want to move out jobs and tax their products when they re-import them.”
Taxer les entreprises qui délocalisent, et taxer les produits quand ils sont réimportés !
Pour comprendre tout l'intérêt de cette superbe idée, imaginons le cas suivant.
Aubade est en concurrence avec une marque de lingerie italienne, je vous laisse choisir laquelle. Celle-ci, faisant déjà fabriquer en Tunisie (ou en Roumanie), a un coût de revient inférieur de 30% à celui d'Aubade, qui tente donc de préserver sa position concurentielle, en faisant le montage de ses produits dans un pays à coût salarial moins élevé que la France. L'idée de Ségolène est d'annuler, via la taxation, l'avantage qui pourrait être retiré de cette délocalisation. La situation d'Aubade s'en trouverait-elle améliorée ? Hélas non, car les culottes italiennes conserveraient leur faible coût de production, leur marge et leur position concurrentielle. Notre Italien serait ravi de voir que les strings d'Aubade, entreprise française, sont taxés en France, alors que les siens échappent à ce traitement de faveur, n'ayant pas effectué de délocalisations hors de France. Leçon n°57, façon Ségolène : donner des armes à l'adversaire. C'est le nationalisme économique à l'envers ! On peut d'ailleurs se poser des questions sur la compatibilité de cette taxation avec le droit concurrentiel de l'Union européenne et les règles de l'OMC, sans compter la loi française interdisant la discrimination.
Il serait temps de comprendre que la valeur ajoutée ne se situe plus derrière les machines à coudre, mais dans la création des modèles, la choix des tissus, le sens que véhicule la marque grâce à sa communication, la proximité et la qualité du réseau de distribution. Toutes choses qui restent en France pour Aubade, et qui lui permettent de vendre ses produits bien plus cher que les culottes à 2 € importées de Chine, que l'on trouve en vrac dans les bacs des solderies. Mais peut-être que pour Ségolène, les vrais travailleueueueurs sont ceux qui répètent à longueur de journée les mêmes gestes derrière une machine, et qui conquierent de nouveaux acquis sociaux grâce aux luttes et aux grèves menées sous la bannière cégétiste !

04 octobre 2006

AMARANTH


Je ne vais pas blogger sur la botanique, ou comparer les beautés respectives de la rose et de l'amaranthe.
AMARANTH se réfère ici au hedge fund américain qui vient de perdre 6 milliards de $ sur le marché du gaz naturel.
Une précision tout d'abord. D'après ce que j'ai lu, le hedge fund n'était pas exposé en directionnel au cours du gaz, mais avait une grosse position sur les spreads calendaires : écart de cours entre les différentes échéances des contrats sur le gaz naturel. Vu l'ampleur des pertes, on imagine que ses positions devaient être énormes. Il serait intéressant de savoir quelles étaient les contreparties principales, qui ont certainement largement profité de la situation.
Je ne ferai pas non plus de commentaire sur l'efficacité du contrôle du risque chez Amaranth, à part pour rappeler qu'un bon contrôle du risque ne veut pas dire que le risque est supprimé, mais qu'il est correctement mesuré, ce qui est très différent. Et une fois que le risque est évalué, encore faut-il le manager, c'est-à-dire prendre les décisions les meilleures possibles pour gérer ses positions.
Ce qui a retenu mon attention dans cette histoire, c'est que cela a été un non événement sur les marchés : pas de problème de contreparties, pas de remontée des volatilités, pas de hausse des credit spreads, et bien entendu pas de craintes systémiques. Quelle différence avec l'épisode LTCM de 1998, qui avait presque envoyé les marchés financiers au tapis ! Les appels de marge ont été payés, le débouclement des positions s'est fait dans un calme relatif, le hedge fund n'est semble-t-il même pas liquidé.
Peut-on en conclure que les marchés financiers sont mieux régulés, que le risk management est meilleur, que les innovations financières de ces dernières années impliquent une plus grande stabilité du système financiers ? On peut le croire. En fait, le faible niveau de volatilité observé sur la plupart des marchés ces dernières années, depuis le pic de 2002, reflète bien ce sentiment. Mais on peut aussi craindre que cette situation soit surtout due aux excellentes conditions économiques, et qu'un environnement plus difficile changerait la donne. Finalement, un problème à ne pas négliger est que cette situation économique favorable conjuguée à l'appréhension d'un faible niveau général du risque sur les marchés entraine les intervenants à prendre plus de risques qu'il ne serait "raisonnable".
Le président de la Réserve Fédérale de New York, Timothy F. Geithner, a justement consacré à ce sujet son intervention à la réunion du FMI à Hong Kong le 15 septembre.

20 septembre 2006

Pétrole : le retour du bear market ?



Alors que tout laissait croire à la poursuite de la hausse du pétrole, le prix du baril se rapproche du niveau des 60$, en baisse de plus de 20% par rapport à son record.

Au moment où le FMI réajuste à la hausse ses prévisions de croissance mondiale pour 2007, l'Agence Internationale de l'Energie baisse ses anticipations sur la demande de pétrole. Contradiction ?

Au niveau des tensions internationales, l'ultimatum occidental adressé à l'Iran nucléaire n'a pas empêché le baril de baisser tranquillement ces dernières semaines. Cela donne une idée de la crédibilité des dirigeants du groupe des 6 à convaincre de la mise en oeuvre de leur politique.

Sur un marché de commodities tel que le pétrole, le cours est déterminé par l'offre et la demande marginales. Si un agent a besoin de 1000 barils, et qu'il a payé 60$ pour en acheter 999, il peut payer 200 $ pour le millième : son prix de revient sera de 60,14, soit marginalement plus cher. Mais le prix de marché s'établira à 200 $, ce qui est plus ennuyeux pour les nouveaux acheteurs.

Il importe donc de réfléchir sur les déterminants à plus long terme de l'offre et de la demande.

L'augmentation de l'offre d'énergies renouvelables et nucléaires est une donnée certaine, même si la quantité actuelle produite est faible. Les conditions économiques et règlementaires de rentabilité des projets sont là; les investisseurs sont prêts à mettre les fonds nécessaires au développement des projets dans l'éolien, le solaire, la biomasse; le capital-risque met de plus en plus de moyens dans le bouillonnement technologique des start-ups du secteur.

Du côté de l'offre de pétrole, les prédictions apocalyptiques sur l'épuisement prochain des réserves sont très controversées. Un gisement de pétrole n'est pas comme le réservoir d'essence de sa voiture, qui, une fois qu'il est vide, est vraiment à sec. C'est plutôt comme une éponge : en la pressant un peu, on fait sortir un peu du liquide qu'elle contient; si on veut en obtenir plus, il faut mettre plus de moyens et d'énergie pour presser. A l'AG de Maurel et Prom en juin, j'ai posé la question au directeur de l'exploration : quel est le pourcentage des réserves qui peut être extrait d'un gisement, et comment faire pour augmenter ce ratio. Réponse : entre 15 et 35%, selon 1) les données physiques du champ et 2) la capacité technologique et le coût de la technologie nécessaire pour pomper plus. Conclusion confirmée par ce professionnel : le progrès des technologies d'extraction a un impact énorme sur la capacité à "presser l'éponge". Le même raisonnement vaut pour les nouvelles éponges, c'est-à-dire l'exploration; le nouveau gisement découvert au large du Golfe du Mexique en est un bon exemple.

Pour approfondir cette question, je recommande la lecture d'un article publié récemment par Accenture et SAP dans Oil & Gas Journal, sous le titre : The Digital Oil Field of the Future.

21 juillet 2006

Bourse de Tel-Aviv : +5.4% sur la semaine

Cette semaine, la bourse de Tel-Aviv a regagné 5,4%, et n'affiche plus qu'une baisse de 12% sur son record du 11 mai, mesuré par l'indice TASE25 . Par comparaison, notre CAC40 national se situe 9% plus bas que son point haut du 10 mai. De même, le shekel a regagné du terrain contre le dollar et l'euro.
Et pourtant Israël est en guerre. Depuis le début de l'agression menée par la milice terroriste du Hizbollah contre le nord du pays, l'activité économique y est fortement ralentie, du fait que la population a pour instruction de rester à l'abri, afin de limiter les pertes civiles.
Visiblement, le marché pense que la guerre sera courte, que la capacité de nuisance des terroristes pro iraniens sera significativement réduite, et qu'il ne sera pas nécessaire de recourir à une opération terrestre d'ampleur, très coûteuse matériellement et en vies humaines.
Bien sûr le marché peut se tromper. L'influence des événements géopolitiques sur les cours est évidente : impact psychologique, hausse de la prime de risque du fait des incertitudes, avant même de parler des répercutions sur les bénéfices des entreprises.
La question à se poser est de savoir de quelle façon les marchés sont plus clairvoyants que les commentateurs , ou l'opinion publique en général. Bien entendu, le marché ne peut pas deviner quelles événements futurs vont se produire. Mais rappelons-nous qu'il avait commencé à baisser significativement avant le 11-09-2001, en particulier pour les valeurs d'assurances et celles liées au tourisme. De même, en 1990, le marché avait entamé un retournement à la baisse avant l'invasion du Koweit par Saddam Hussen, début août.
George Soros disait : le marché est réflexif. Sachons lire comment il influe sur les opérateurs de la même façon que nous nous intéressons à la façon dont les opérateurs font bouger le marché.
Si la Bourse montre actuellement son optimisme, c'est aussi à considérer comme le résultat d'une analyse lucide, et pas d'un parti-pris idéologique.

12 juillet 2006

Stock-options : la grande débandade

L'ancien Premier Ministre Edouard BALLADUR veut faire passer une loi interdisant aux mandataires sociaux d'exercer leurs stock-options tant qu'ils sont en fonction. Comme la plupart des plans prévoient que les stock-options ne peuvent plus être exercées quand les détenteurs quittent l'entreprise, on conçoit en effet que la fenêtre d'exercice risque d'être très étroite ...
Cette tentative parfaitement stupide, loi de circonstance proposée en réaction à l'exercice par Noël Forgeard de ses stock options EADS, montre encore une fois le manque de réflexion de nos dirigeants. Que 138 députés UMP s'associent à cette tentative est une preuve de démagogie, alors que des élections législatives difficiles se profilent dans 10 mois. Même le député de ma circonscription Gilles Carrez, pourtant diplômé HEC, a signé ! Précisons d'ailleurs que EADS étant une société de droit néerlandais, il n'est pas évident que ce type de disposition puisse s'y appliquer.
D'un point de vue financier, les représentants du peuple n'ont certainement pas imaginé combien il serait facile de détourner la loi, grâce à une gestion intelligente de son portefeuille de stock-options. Je n'ai pas le droit de les exercer ? Qu'à cela ne tienne, il me suffit d'aller voir une banque, qui se fera un plaisir de me vendre un package me garantissant dans un, deux ou trois ans le prix de vente des titres, et me le financera sur la période. C'est ce que l'on appelle un tunnel à prime zéro : vente d'un call et achat d'un put. Si l'action vaut 100, je peux ainsi me garantir un prix de vente dans un an entre 92 et 110 approximativement, sans rien à débourser. En plus, la banque me verse immédiatement le produit de la vente, actualisé à un faible taux d'intérêt. Riche idée donc, surtout pour les banques et les avocats spécialisés.
Décidément, la créativité financière est beaucoup plus performante que l'intelligence du législateur. Rappelons d'ailleurs que celui-ci, dans sa grande sagesse, a fait voter l'an dernier le dispositif de l'attribution d'actions gratuites, lequel, sous certaines conditions, peut être bien plus intéressant fiscalement que les stocks-options, fortement imposées.
Je devrais peut-être proposer aux députés de leur donner quelques cours de finance. En fait, j'avais déjà fait cette proposition à Gilles Carrez il y a plusieurs années, et il m'avait gentiment répondu que l'Assemblée Nationale n'avait pas le budget pour le faire. Pauvre Etat impécunieux ...

29 juin 2006

SUEZ - GAZ : le spread

Vous voulez évaluer les chances de réussite de la fusion annoncée entre Suez et Gaz de France ?
Regardez le spread Suez - Gaz !
Selon la fusion, chaque actionnaire de Suez doit recevoir une action Gaz de France + 1 euro de dividende. Si le marché croyait à 100% à la fusion, Suez coterait 1 euro de plus que Gaz.
Et pourtant ... Le spread ne cesse de s'élargir, il était à 3 il y a quelques semaines. Il n'a d'ailleurs jamais été négatif. Aujourd'hui, Suez vaut 31.50, Gaz 25.50, soit un spread de 5 euros compte-tenu du dividende. Calculé autrement, un actionnaire de Suez se ferait voler de 18.9% en recevant du Gaz. Conclusion : la réussite de la fusion ne se joue pas actuellement à l'Assemblée, sa probabilité se lit directement dans les cours. Après les contorsions sémantiques sur Arcelor / Mittal / Severstal, voilà que les politiques se heurtent encore au mur de l'argent. Dire que la spéculation des hedge funds vient contrarier les beaux desseins industriels de nos gouvernants ...

23 juin 2006

Un changement d'opinion


Quand un analyste financier publie un changement d'opinion sur une valeur, l'impact sur les cours peut être significatif, d'autant plus que l'analyste est influent.
Y a-t-il matière à changement d'opinion, d'un point de vue global, sur les marchés financiers ?
Les forces à l'oeuvre depuis 3 ans perdent de leur allant. L'environnement monétaire accomodant et la croissance économique mondiale ont favorisé la hausse de presque toutes les classes d'actifs ainsi que la diminution corrélative de l'aversion au risque.
Mais maintenant, les banques centrales serrent les cordons. Certains responsables de la FED disent qu'il vaut mieux se tromper par excès de rigueur que par défaut, les faucons de la BCE prennent l'avantage et préparent un train de hausse; la BOJ a stoppé l'inondation quantitative et annonce la fin prochaine de la ZIRP (zéro interest rate policy). Quand à la Banque centrale chinoise, à force de prendre des décisions visant à freiner la croissance galopante des crédits et de la masse monétaire, elle arrivera à du résultat, pas trop brutal on l'espère.
Avec une inflation qui reste faible, la fin de la surliquidité mondiale se traduit par un ralentissement économique et/ou une baisse du prix des actifs. Quel est le délai entre le resserrement monétaire et son impact économique ? On sera peut-être bientôt en position de l'évaluer. Les réactions des marchés boursiers des dernières semaines donnent une première indication. L'aversion au risque s'est considérablement renforcée, avec une hausse très sensible des volatilités implicites, une sous performance des titres à faible liquidité par rapport aux grandes valeurs, des marchés émergents par rapport aux grandes places, un élargissement des spreads de crédit, un affaiblissement de nombreuses devises, un retour de bâton brutal sur les commodities. Sur ce dernier point, la SocGen a publié un graphe très parlant, en superposant la courbe du Nasdaq et celle de l'indice CRB, avec un décalage de 6 ans.
Pour autant, faut-il tout vendre ? Certainement pas, je ne suis pas un perma bear.
Réfléchissons différement : les raisonnements qui ont expliqué le comportement des marchés ces dernières années sont en train de changer. C'est le propre des situations de changement d'équilibre. Là où la logique impliquait une hausse, essayons de deviner les raisons qui feront baisser. Les mêmes données peuvent rentrer dans la black box du marché, et en sortir maintenant d'un autre côté. Humilité face aux certitudes que l'on croyait établies, sensibilité plus fine à ce qui cause des renversements sur les marchés, sont plus que jamais des postures à tenir.
Alors, un changement d'opinion ? Peut-être plus profond qu'on ne le croit.

12 juin 2006

Allez Zizou !

Sous la pression de mon fils, je suis bien obligé de suivre assidument la Coupe du Monde. Je ne vais pas vous donner mon avis sur les chances de victoire de l'équipe de France, il suffit pour cela de regarder les cours sur le marché (pour info : Brésil : 25,4%, France : 6,6%). Zidane exploite abondamment son image et, parmi ses multiples contrats publicitaires, celui de Générali ne vous a pas échappé, que ce soit à la télé ou sur les Champs Elysées.
A travers le thème : agir pour l'avenir, Générali lance une idée qui à mon avis mérite quelques réflexions. Les assureurs sont en première ligne face aux risques générés par le développement économique, et tout d'abord face aux risques climatiques : cyclones en Amérique, inondations en Europe, etc... Le réchauffement climatique commence à être scientifiquement bien évidencé; ses conséquences à court, moyen ou long terme ne sont pas clairement perçues. Tous les assureurs et réassureurs planchent sur le sujet, avec l'idée qu'il faudrait faire de la prévention, et ne pas se contenter d'augmenter les primes pour couvrir le coût des sinistres. Je me souviens avoir posé la question à Henri de Castries à l'AG d'AXA il y a 2 ans, en lui demandant de quelle façon un assureur pouvait influer sur les comportements, en matière de ce que l'on appelle le "développement durable". Bien que sa réponse soit restée générale, il était clair que le sujet était à l'ordre du jour.
Le Président de Générali France, Claude Tendil, a prononcé le 27-10-2005 la leçon inaugurale du master "Assurance et gestion du risque" de Dauphine, exposé dont je vous recommande la lecture. Il insiste sur les conséquences des changements climatiques, et met en avant son rôle en tant qu'assureur : aider à la prise de conscience collective, sanctionner les mauvaises pratiques, par exemple en refusant d'assurer, faire plus de prévention par le conseil, être capable d'assurer de nouveaux risques. Sa conclusion : il ne faut pas parler de morale mais d'intérêt.
A la mi-temps, au lieu d'aller prendre une bière fraiche au frigo (mauvaise solution) ou de faire des assouplissements pour évacuer le stress du match (c'est un peu mieux) pensez un peu finance, et aux conséquences du réchauffement climatique sur la valeur de vos actifs.

09 juin 2006

From Russia with love, suite

Une précision par rapport à mon message précédent. Du fait que l'OPRA, si elle est votée, interviendra avant la fusion ARCELOR / SEVERSTAL, A. Mordashov n'y participera pas. Selon le nombre de titres rachetés (max : 150 millions) et le prix de rachat (max : 50 euros), la part du capital de A. Mordashov passerait à environ 38%. La bagarre continue pour l'obliger à lancer une OPA, notamment par l'ADAM, du fait de cet évident changement de contrôle. Par ailleurs, l'OPA de Mittal est ouverte, et des discussions sont en cours entre Mittal et Arcelor. Rien n'est donc joué à ce niveau, sauf pour les hommes politiques français qui prennent ouvertement position pour l'opération Severstal.
Sur les critères industriels, j'ai déjà expliqué que je n'avais pas de préférence marquée pour tel ou tel projet. C'est la manière de la fusion avec Severstal qui me déplait, du fait que la prise de contrôle se fait sans OPA, et avec une évaluation des actifs Severstal pour le moins sujette à discussion.
Je suis un libéral (avec un accent...) partisan de la mondialisation et, de même que l'an dernier je n'avais rien contre l'éventuelle prise de contrôle des yaourts de Danone par un groupe américain, de même ici je ne suis pas opposé à ce que le fabricant de l'acier avec lequel on construit, outre nos voitures, nos chars Leclerc et nos sous-marins nucléaires passe sous la coupe d'un oligarque vassal de Poutine. Il est par contre piquant de constater que cela ne gêne pas nos politiques , y compris le député Carayon, chantre du nationalisme économique. Je lui ai d'ailleurs envoyé un e.mail hier sur ce sujet, et je posterai sa réponse, s'il en fait une. A ce propos, le message que j'avais envoyé le 28 mai, au sujet de mon post précédent, à Mme Hue, directrice des relations investisseurs d'Arcelor, attend toujours une réponse. Je vais refaire une tentative.
Le feuilleton Arcelor va donc occuper l'été, avec de multiples rebondissements à prévoir.
Pour l'affaire GDF / SUEZ, la fusion a du plomb dans l'aile, dixit Villepin qui ne veut pas aller seul sous la mitraille.
Quant à notre place de marché Euronext, ses liaisons tumultueuses entre le prétendant allemand et la fiancée newyorkaise agitent là aussi les esprits, y compris des politiques. Manque de chance, la tête de l'Etat préfère Deutsche Börse, alors que les dirigeants d'Euronext ont choisi de se fiancer au NYSE. On a quand même l'impression que nos politiques ont tout faux sur les 3 fusions en cours.

27 mai 2006

From Russia with love

Pour échapper aux griffes de Mittal, Arcelor a choisit le baiser russe. D'un point de vue stratégique et industriel, l'opération Severstal se compare correctement à ce que propose Mittal, mais sans donner d'avantages décisifs. Dans cette industrie sidérurgique encore peu concentrée, toute alliance est bonne à prendre si elle ouvre de nouveaux marchés, clients, et gammes de produits, crée des perspectives de synergies par les best practices, élargit l'accès aux matières premières et renforce la position par rapport aux vendeurs de minerais. Chacune à sa manière, Mittal et Severstal sont deux opérations bénéfiques.
Ce qui est choquant dans la fusion avec Severstal, c'est la manière. La Bourse, juge de paix ultime, a fait baisser Arcelor de 3%, seule valeur du CAC40 en baisse dans une séance en hausse de près de 2%. Quelques jours auparavant, quand Mittal avait amélioré son offre, Arcelor avait gagné 10% : sans commentaire.
Vous connaissiez Alexey Mordashov ? Une rapide recherche google donne quelques articles, qui dressent le portrait d'un brillantissime manager de 40 ans, devenu propriétaire de Severstal dans les conditions des privatisations russes des années 90, et qu'il a ensuite superbement développé. C'est aussi un fidèle supporter de Poutine, qu'il a largement soutenu électoralement lors des campagnes de 2000 et 2004, en particulier grâce à sa main mise sur les media locaux. En bref, le parfait oligarque bien en cour.
Alexey Mordashov apporte à Arcelor ses 89% dans Severstal, en échange de nouveaux titres émis sur une valeur de 44 euros, soit 30% de plus que le cours. Il paye également 1,25 milliards d'euros en cash, pour acquérir au total 32% d'Arcelor. Mais s'il cède ses intérêts économiques dans Severstal, il garde 25.01% des droits de vote, ce qui lui laisse une minorité de blocage selon la loi russe. Mordashov devient vice président non exécutif d'Arcelor, mais président du comité stratégique : il aura en particulier la haute main sur les décisions de croissance externe. Autant dire que les conflits d'intérêts entre Severstal et Arcelor sont évidents.
A.Mordashov prend-il le contrôle d'Arcelor ? Avec 32% des droits de vote, une vice présidence du CA et le pouvoir de nommer 6 administrateurs sur 18, peut-être pas. Dans la réalité, il aura de façon certaine la majorité absolue en AG, et le pouvoir stratégique, qu'il entend mettre en oeuvre immédiatement selon ses premières déclarations. S'il y a changement de contrôle, alors il devrait y avoir OPA : les minoritaires doivent pouvoir sortir à 44 euros, prix auquel s'effectue le changement de contrôle. Rien de tel : Guy Dollé et son CA ne se sont jamais illustrés par leur prise en compte des intérêts de leurs actionnaires, et c'est le même mépris qui préside à cette opération.
J'ai regardé avec attention la conférence de presse réunissant Kinsch, Dollé et Mordashov : contraste saisissant entre les deux vieillards à la voix peu assurée et la force qui émanait du jeune russe ambitieux. A un journaliste qui demandait à Guy Dollé son avis sur la baisse du cours d'Arcelor au moment de l'annonce, il répond qu'il n'a pas encore fait de road show pour expliquer l'opération, et que ces bienfaits ne sont donc pas encore compris. En clair, les analystes financiers sont des andouilles, ils n'ont rien compris à la présentation qui leur a été faite le matin même, et il faudra leur bourrer le mou individuellement pour les remettre dans le droit chemin de la compréhension orthodoxe.
Le moment d'anthologie de cette conférence de presse, où j'ai d'ailleurs trouvé les journalistes bien peu curieux, a été la réponse de Mordashov à une question sur l'origine de sa fortune. Il a expliqué d'abord qu'elle s'était construite sur les privatisations de l'époque, selon les règles du moment, puis a utilisé une image saisissante : imaginez une caravane de chameaux, dont il était le dernier; à un moment la caravane a fait demi-tour, et il s'est retrouvé le premier ! Heureux homme, dont le destin s'est joué à un demi-tour de chameaux ...
On a vu que Mordashov paye 1,25 milliards cash. Vraiment ? Dans un mois, Arcelor va mettre en oeuvre son OPRA, à un prix non encore fixé mais qui peut aller jusqu'à 50 euros. Imaginons que Arcelor rachète 100 millions de titres à 50 euros, soit 5 milliards, financés par de la dette. Si Mordashov garde sa participation au même niveau, il doit apporter 32 millions de titres, soit 1,6 milliards d'euros; il aura déjà gagné 350 millions, réalisé une plus value en un mois, le tout financé par l'augmentation de l'endettement d'Arcelor. Très brillant le garçon, on vous disait. Si Mordashov n'apporte pas ses titres à l'OPRA, sa participation augmente à 36% environ. Changement de contrôle justifiant une OPA ? Que nenni, pauvre actionnaire, Arcelor est de droit luxembourgeois, il n'y a pas d'obligation de dépôt d'une OPA passé le tiers du capital. Mordashov s'est juste engagé à désintéresser les minoritaires s'il passe 45% des droits de vote. Pas de risque, il a déjà le contrôle.
3ème problème, la gouvernance. L'engagement de Mordashov est de proposer 6 administrateurs sur 18, et de voter en AG selon les recommandations de conseil d'administration. Question : s'il ne tient pas ses engagements, perd-il ses droits de vote ? Arcelor peut-il répondre sur ce point, par exemple en rendant public le contrat ? J'en doute.
Dernier point, qui montre encore le peu de cas que la direction d'Arcelor fait de son actionnariat : les conditions de réalisation de l'opération. Il est prévu une assemblée générale, mais celle-ci ne pourra rejeter l'opération Severstal que si 50% des droits de vote TOTAUX d'Arcelor, et non pas des droits de vote représentés à l'AG, s'y opposent. Comme les AG d'Arcelor réunissent entre 30 et 35% des actionnaires, le vote contre est impossible. Arcelor, dans son communiqué de presse, met l'accent sur ses meilleures pratiques en terme de gouvernance d'entreprise, et notamment sur l'égalité 1 action, 1 vote. Mais ici, les voix taisantes des absents pèsent plus lourd que celles exprimées des présents ...
Quant à notre gouvernement, non actionnaire, qui dans sa grande impartialité s'était élevé contre l'offre de Mittal, lequel ne comprenait rien à la grammaire des affaires, il ne trouve cette fois-ci rien à dire. Breton a considéré que l'opération était amicale, et Villepin a estimé qu'il n'était pas dans le rôle du gouvernement de s'immiscer dans ce type d'affaire. Tant pis pour les minoritaires. Le fait que l'opération ait reçu l'onction de Poutine lors d'une rencontre récente avec Mordashov n'y est bien sûr pour rien. D'ailleurs, la seule personne que M. Kinsch ait chaudement remercié lors de la conférence de presse s'est trouvé être l'ambassadeur de Russie au Luxembourg, qualifié d'ami de longue date.
Bons baisers de Russie !

18 mai 2006

Le marché à l'équilibre : 1/2 minute tous les 10 ans

C'est le message de ce jour énoncé par Alain Bokobza, chief strategist à la Société Générale, lors de la conférence sur les risques du marché actions organisée par PRMIA (Professional Risk Managers International Association), dans le cadre somptueux du George V.
Quelques points importants à retenir de son exposé :
- Le sentiment optimiste des marchés est équivalent à celui du début 2000, ce qui est un facteur de risque.
- Il existe une relation entre le resserrement monétaire US et la baisse des marchés actions : la fin de l'action à la hausse de la FED est donc un signal fort pour la remontée du marché américain. De façon incidente, la fin de la surliquidité mondiale implique que la surperformance des actifs moins liquides est derrière nous.
- Même si la croissance des bénéfices est en ralentissement, le releverage des bilans des entreprises (augmentation de la proportion de dettes par rapport aux fonds propres) implique que les returns on equities, ROE, ne baisseront pas en proportion. C'est un facteur fondamental de soutien du marché actions. Ce releverage va entrainer une remontée des credit spreads, mais sans conduire à ce jour à plus de fragilité bilantielle.
-La période qui commence, avec plus d'incertitudes, entraine une remontée des volatilités, qui restent encore sous leur niveau moyen de long terme.

Le deuxième exposé, par A. Fleury, responsable de la gestion du book exotique, nous a donné quelques informations sur la cuisine interne de la SG.
Un point important à propos des risques : SG n'a pas de difficultés à transférer les nouveaux risques de son portefeuille, volatilité et corrélation par exemple, vers des intervenants extérieurs tels que hedge funds, réassureurs, voire institutionnels; il y a même plus de demande que d'offres. Par exemple, ces derniers jours, la volatilité implicite a peu monté malgré la chûte du marché, car il s'est trouvé suffisament de contreparties pour se positionner à la vente : rôle d'amortisseur des mouvements tenus par les hedge funds, contrairement aux idées (bien mal) reçues.
La capacité du marché à absorber et transférer les risques sur de nombreux intervenants est à mon avis un facteur anti crise systémique très significatif. Il reste bien sûr à voir ce qui se passerait dans les situations de crash test...
Pour revenir sur le titre de ce post, il me rappelle ce qui disait en substance Keynes : les marchés resteront en déséquilibre plus longtemps que vous ne serez solvables. A méditer par les adeptes des stratégies "back to mean".

16 mai 2006

Sell in May ... bis







L'adage boursier rappelé il y a quelques jours s'est finalement concrétisé. Le retournement des marchés s'est produit avec une belle unité : baisse générale des actions, retournement brutal des positions longues sur les commodities, légère reprise des bonds avec le flight to quality. Quelle a été la cause de ce tumulte ? La baisse du dollar est un facteur : elle pèse sur les actions européennes, en dégradant la position concurrentielle de Europa Inc, et en creusant les écarts négatifs de change; elle pèse aussi sur les titres US, car chaque baisse du $ relance les craintes sur les risques de vente de titres US par les détenteurs non résidents, déjà perdants avec la baisse des bonds.
Si on retourne en arrière de 3 semaines, l'éclatement du marché du CO2 e 25 avril, suite aux consommations réelles inférieures aux quotas déclarée par plusieurs pays de l'UE, a jeté un gros grain de sable dans la belle mécanique haussière des marchés. Très sportif le CO2 : on est passé en 2 semaines de 32 à 8 euros la tonne vendredi dernier, pour remonter aujourd'hui à 17 ! Pour essayer de comprendre ce qu'il s'y passe, lisez www.pointcarbon.com . Les amateurs peuvent trader facilement le produit avec le certificat de la SocGen, code 1291S.
Sur le CAC, la situation technique s'est bien dégradée, et ce n'est pas la petite reprise de ce jour qui y change quelque chose. Avec deux séances de baisse avec gap, le marché est moins joli. Un premier retracement de la hausse des 6 derniers mois nous ramènerait vers 4930, ce qui correspond au point bas de mars. Si le marché est plus lourd, on ira peut-être vers 4690, au plus bas de l'année. Dans ce cas-là, la tendance haussière sera bel et bien terminée . A suivre

12 mai 2006

GAZ / SUEZ : Coluche, reviens-vite !

La fusion entre "égaux" GAZ DE FRANCE / SUEZ me laisse sceptique : GAZ vaut 28, SUEZ 31 euros. Même avec 1 euro de dividende exceptionnel (fiscalisé à 40% ...), il manque 2 euros pour faire le compte. Comme disait Coluche, il y en a qui sont plus égaux que d'autres.
Une fois que la loi de privatisation de GAZ aura passé l'épreuve du Parlement et de la CGT, puis celle de l'antitrust à Bruxelles, qui dictera ses conditions en termes de désinvestissements, il restera l'épreuve de vérité : convaincre les actionnaires. Sur les parités actuelles, je ne suis pas près de donner mes SUEZ contre des GAZ : il manque au moins 2 euros à l'appel, qu'on me propose d'échanger contre des vagues promesses de synergies !
J'ai l'impression que je ne suis pas le seul à faire ce raisonnement. Le jeu reste ouvert. Après tout, Coluche était d'origine italienne, comme un certain ENEL ...

10 mai 2006

ISCAR / Warren BUFFETT


Le célèbre investisseur américain Warren BUFFETT, patron du fonds d'investissement BERKSHIRE HATHAWAY, vient de réaliser son premier investissement d'envergure hors des Etats-Unis en rachetant 80% du capital du Groupe ISCAR, , société israélienne parmi les leaders mondiaux dans les pièces pour machines outils. Cette transaction de 4 milliards de dollars valorise donc pour 5 milliards une société faisant un chiffre d'affaires d'environ 1,4 milliards $, et un bénéfice qui serait de l'ordre de 400 millions. ISCAR n'étant pas cotée, ses chiffres exacts ne sont pas connus.
Depuis 50 ans, Warren BUFFETT est le champion du "value investing", privilégiant les entreprises capables de dégager des cash flows récurrents sur longue période, et les business models qu'il comprend bien, dans une optique d'investissement à long terme.
Créée en Galilée en 1952 par Stef WERTHEIMER, le Groupe ISCAR s'est développé par autofinancement, dans le secteur des outils industriels, et reste entièrement détenu par la famille du fondateur jusqu'à cette opération. D'après les informations publiées, la transaction se serait conclue très rapidement, fondée sur le partage de valeurs communes entre les deux dirigeants. Notons que le management d'ISCAR restera en place, avec toute latitude pour conduire sa stratégie, selon les termes de l'accord.
Conclue la veille de l'assemblée générale de Berkshire Hathaway, qui a réunit 24000 actionnaires et investisseurs dans l'Amérique profonde, cette transaction annoncerait un tournant dans la stratégie de Warren Buffett, dans le sens d'une internationalisation et d'une diversification du portefeuille vers d'autres devises.
Pour Israël, comme l'a noté Merril Lynch, la transaction est très positive : "The deal should boost both domestic and international investor confidence in Israel." La Bourse de Tel-Aviv a d'ailleurs salué l'événement avec une hausse de 2.7% de l'indice TA25 le 7 mai.
Coïncidence curieuse : l'opération est annoncée le jour même où le nouveau Premier Ministre d'Israël, Ehud Olmert, a pris ses fonctions. On se souvient que le dernier acte politique de l'ancien Premier Ministre, Ariel Sharon, quelques heures avant son accident cérébral le 4 janvier, a été de signer la privatisation de la Bank Leumi, la deuxième du pays, rachetée par un groupe d'investisseurs.

03 mai 2006

KKR

KKR, le géant américain du private equity et du LBO, a introduit ce jour sur Euronext Amsterdam un nouveau véhicule, destiné à donner à tous les investisseurs l'accès aux performances du private equity.
Valorisé 4 milliards de $ au prix d'introduction de 25 $, le titre a fini en baisse à 24,58 $, après un plus bas de 24,24 $. Pas très brillant pour un premier jour de cotation. L'idée de coter ce genre de véhicule n'est pas nouvelle. Récemment, APAX a introduit AMBOISE sur Euronext Paris, avec le même objectif d'ouvrir aux OPCVM et aux particuliers l'investissement dans le non-coté.
Le non coté connaît une forte expansion depuis quelques années. Le principe des LBO, Leverage Buy Out, consiste à racheter une entreprise en empruntant, puis à rembourser la dette de la holding avec les free cash flows dégagés par la société d'exploitation, en profitant du mécanisme d'intégration fiscale, sachant que les managers sont partie prenante au dispositif en investissant à titre personnel dans l'entreprise. Une étude récente publiée par la Lettre Vernimmen (partie 1 partie 2) montre que l'élément principal du succès des entreprises sous LBO provient de l'amélioration des performances opérationnelles, et non pas seulement de l'effet de levier de l'endettement, comme on pourrait le croire. La conclusion est que ce mode de gouvernance serait le plus efficace, du fait de la convergence d'intérêt des managers et des investisseurs, plus que ne peut l'être la cotation en Bourse.

02 mai 2006

Sell in May and go away

Je suis un grand amateur d'adages boursiers, et Sell in May and go away me parle tout particulièrement. J'ai commencé à travailler à la Bourse en mai 1987, et j'aurais été mieux inspiré de vendre ou de m'abstenir plutôt que d'acheter à tout va pour fêter mon arrivée. La période mai - octobre 1987 n'a pas été la plus flamboyante pour les détenteurs d'actions.
Selon ce dicton, le semestre mai - octobre est défavorable, au contraire de la période novembre - avril. Pour un adepte de la théorie de l'efficience des marchés, l'effet des saisons sur la Bourse fait sourire. Pour qui réfléchit à la finance comportementale, la question mérite d'être creusée.
Une étude du courtier américaine SSB donne des résultats peu concluants, la croissance économique sur la période étant un facteur plus important.
Par contre, une recherche faite par des chercheurs néerlandais publiée en 2001 par le Social Science Research Network établit que sur 36 des 37 cas étudiés, la période mai - octobre a été plus défavorable que l'autre, sans qu'un facteur explicatif soit mis en évidence.
Quel pronostic pour 2006 ? On vient de finir un semestre rayonnant, les taux d'intérêt remontent, le pétrole reste très cher, la géopolitique n'est guère sereine, et l'effet de mai n'a pas été très sensible ces 2 dernières années. Si on cherche de bonnes raisons de vendre, inutile de se creuser la tête bien longtemps. On aura certainement l'occasion d'en reparler

30 avril 2006

Vous avez dit liberal ?

On apprend aujourd'hui la mort à 97 ans de John Kenneth Galbraith, célèbre économiste "liberal" américain.

Rien à voir avec un "libéral" à la française : le petit accent change tout. "Liberal" américain, on est de gauche, "libéral" français, on est à droite. Allez donc vous comprendre avec ça !

De même, aux US, l'adversaire du "liberal", sur le plan social, est contre l'avortement, contre le mariage homosexuel, pour la peine de mort. Un pourfendeur français de l'ultra libéralisme se reconnaitrait-il dans ce portrait ?

28 avril 2006

Bernanke vs Greenspan ?

Maintenant que Greenspan a rendu son tablier, Ben Bernanke est devenu mon auteur préféré sur ma table de chevet.
Et si Alan évoquait l'énigme du niveau des taux longs aux Etats-Unis, curieusement stables malgré 350 bp de hausse des Fed funds, Ben nous donne un début d'explication dans son adresse du 20 mars devant l'Economic Club de New York.
Sachant qu'un taux à 10 ans est la composition du taux au comptant à 1 an et des 9 taux forward à 1 an, il a constaté que le taux à 1 an dans 9 ans avait baissé de 150 (oui, cent cinquante) bp pendant la période de resserrement monétaire, se décomposant pour 100 bp en baisse du taux réel, et pour 50 bp en baisse de l'inflation anticipée.
Et sur les 4 explications qu'il donne, la première est la "Grande Modération" : le déclin de la volatilité du PIB et de l'inflation, conséquence en premier lieu selon lui de la réussite de la politique monétaire, qui a ancré les anticipations inflationnistes à un bas niveau.
Merci à Alan d'avoir laissé ouverte la question de l'énigme des taux longs, même s'il avait son idée sur la question.
Et bravo à Ben d'y apporter sa réponse, en rendant hommage à son prédecesseur.

Mon blog Pierre Gonzva

C'est parti pour mon blog : Pierre GONZVA
Mes commentaires sur l'actualité économique, financière et la vie des marchés