16 décembre 2007

INFLATION

L'inflation serait-elle de retour ?
J'ai lu récemment le livre d'Alan Greespan, le Temps des Turbulences.
J'ai commencé à travailler sur les marchés financiers en mai 1987, au moment où Alan prenait la présidence de la Fed. C'est donc fascinant pour moi de lire l'histoire des marchés de ces 20 dernières années, écrite par le principal rainmaker. Avec la chûte du communisme, le développement d'internet et l'émergence de la Chine, Alan Greenspan a bénéficié d'un environnement puissament anti inflationniste, tel qu'il n'apparaît qu'une fois par siècle.
C'est d'ailleurs la principale conclusion que je tire de son livre, et du dernier chapitre prospectif où il envisage le monde en 2030. L'inflation à 2 chiffres des années 1970 est difficile à envisager, mais un niveau de 5 à 8% pourrait bien resurgir, ce qui nécessitera pour les banques centrales de remonter leurs taux d'intervention, peut-être même jusqu'à 10%. Bon courage pour les banquiers centraux, qui devront expliquer cela aux dirigeants politiques, et aux opinions publiques !
Les derniers chiffres d'inflation pour novembre intègrent un effet de base significatif, du fait que les prix du pétrole étaient beaucoup plus bas en novembre 2006. Il n'empêche que la tendance sous jacente est clairement à la hausse.
Surveillons aussi l'inflation en Chine, car la hausse des produits alimentaires y est très importante, ce qui impacte d'autant plus une population encore majoritairement à faible revenu, qui consacre donc une part important de son revenu à se nourir. Voilà qui ne va pas faciliter la société harmonieuse pronée par le pouvoir.
Tout le monde dit que la Chine a tellement besoin d'assurer la réussite des Jeux de 2008 qu'il ne s'y passera rien de grave avant. Pour ma part, j'ai plutôt tendance à penser que si on m'annonce que la catastrophe ne peut pas se produire avant l'été 2008, j'ai donc intérêt à vendre avant, de façon à être tranquille. Si je ne suis pas le seul à faire ce raisonnement, alors l'été 2008 risque de ne pas être si calme.

SIV qui peut !

La valeur des SIV descend à la vitesse des avalanches. Les Special Investment Vehicules servent de receptacle aux crédits que les banques ne gardent pas à leur bilan : dettes immobilières de mauvaise qualité, crédits tendus aux LBO, et autres instruments pour lequel le risque n'a certainement pas été suffisamment valorisé.
Tout cela est packagé dans les SIV, dont les différentes tranches offraient, à l'origine, un rendement attractif compte-tenu du risque (évalué ? noté ? perçu ?) Quand on voit maintenant que des tranches, encore notées AAA, ne valent plus que 60 % du nominal, on se rappelle bien que sur les marchés, le balancier de l'exagération va aussi vite dans un sens que dans l'autre.
Mais pour le moment, ces SIV ont bien du mal à trouver les financements court terme qui devraient les maintenir à flot. Certaines banques les réintègrent donc dans leur bilan, ce qui est douloureux en terme de coût du capital. D'autres tentent de monter un super SIV, dans le but de faciliter le financement en présentant une alliance des sponsors. Tous font tourner l'ingénierie financière pour diminuer les encours, avec un certain succès.
La descente aux enfers des valorisations a un impact croissant sur les provisions à passer. On le verra sur les comptes du 4ème trimestre, et certainement encore au 1er semestre 2008. A long terme cependant, tous les SIV ne perdront pas la moitié de leur valeur, et charger la barque maintenant donnera peut-être la possibilité de reprendre des provisions plus tard.
Fondamentalement, quel était l'intérêt des SIV ? C'est de sortir des actifs des bilans bancaires, donc d'économiser des fonds propres. Le propre de la règlementation prudentielle des banques, c'est d'avoir des fonds propres en face de ses risques, de crédit, de marché, de contrepartie, opérationnels, etc... Donc si on sort les actifs, on distribue le risque au marché, aux investisseurs, et on supprime le besoin de fonds propres, lesquels peuvent être utilisés sur les opérations présentant le meilleur rendement ajusté du coût du capital, ou bien rendus aux actionnaires.
Le problème bien entendu, c'est que le risque n'a pas été entièrement sorti. Les SIV se financent en émettant de la dette court terme. Quand ce financement se tarit, comme c'est le cas actuellement, les banques sont bien obligées d'assurer les arrières, sauf à laisser leurs SIV faire défaut. Ce serait alors le risque de réputation qui en prendrait un coup : très délicat pour une banque, dont l'existence repose fondamentalement sur la confiance qu'elle inspire, et que les règles de solvabilité sont supposées renforcer.
Les SIV, par la titrisation sur laquelle ils sont fondés, permettent justement de sortir du carcan des ratios d'adéquation du capital. Se finançant à court terme en investissant dans des titres à long terme, ils font de la transformation, base du métier de banquier, sans en avoir les contraintes en terme de capital. D'une certaine façon, leur récent succès est une conséquence de la réglementation bancaire. N'entendez pas que je préconise l'allègement des normes prudentielles. Mais pour ceux qui préconisent un renforcement de la règlementation, pour l'adapter par exemple aux SIV, il faut bien comprendre que l'imagination financière trouvera toujours un moyen de créer un instrument hors règlementation; que les supposées vertus de la transparence ne s'appliquent qu'à ce que chacun entend bien montrer; que le strict respect des règlementations, vérifiée par tous les inspecteurs que l'on veut, ne remplacera jamais le regard impitoyable du marché, et que lorsqu'il y a une panique bancaire du style Northern Rock, le public fait bien peu de cas du respect des normes prudentielles. Quand la grande banque voisine ne veut plus prêter à la mienne, puis-je encore raisonnablement y laisser mon argent ?
Finalement, la crise actuelle nous apprend que le risque de liquidité, dans sa dimension irrationnelle, reste bien difficile à appréhender et encore plus à évaluer.