16 décembre 2007

INFLATION

L'inflation serait-elle de retour ?
J'ai lu récemment le livre d'Alan Greespan, le Temps des Turbulences.
J'ai commencé à travailler sur les marchés financiers en mai 1987, au moment où Alan prenait la présidence de la Fed. C'est donc fascinant pour moi de lire l'histoire des marchés de ces 20 dernières années, écrite par le principal rainmaker. Avec la chûte du communisme, le développement d'internet et l'émergence de la Chine, Alan Greenspan a bénéficié d'un environnement puissament anti inflationniste, tel qu'il n'apparaît qu'une fois par siècle.
C'est d'ailleurs la principale conclusion que je tire de son livre, et du dernier chapitre prospectif où il envisage le monde en 2030. L'inflation à 2 chiffres des années 1970 est difficile à envisager, mais un niveau de 5 à 8% pourrait bien resurgir, ce qui nécessitera pour les banques centrales de remonter leurs taux d'intervention, peut-être même jusqu'à 10%. Bon courage pour les banquiers centraux, qui devront expliquer cela aux dirigeants politiques, et aux opinions publiques !
Les derniers chiffres d'inflation pour novembre intègrent un effet de base significatif, du fait que les prix du pétrole étaient beaucoup plus bas en novembre 2006. Il n'empêche que la tendance sous jacente est clairement à la hausse.
Surveillons aussi l'inflation en Chine, car la hausse des produits alimentaires y est très importante, ce qui impacte d'autant plus une population encore majoritairement à faible revenu, qui consacre donc une part important de son revenu à se nourir. Voilà qui ne va pas faciliter la société harmonieuse pronée par le pouvoir.
Tout le monde dit que la Chine a tellement besoin d'assurer la réussite des Jeux de 2008 qu'il ne s'y passera rien de grave avant. Pour ma part, j'ai plutôt tendance à penser que si on m'annonce que la catastrophe ne peut pas se produire avant l'été 2008, j'ai donc intérêt à vendre avant, de façon à être tranquille. Si je ne suis pas le seul à faire ce raisonnement, alors l'été 2008 risque de ne pas être si calme.

SIV qui peut !

La valeur des SIV descend à la vitesse des avalanches. Les Special Investment Vehicules servent de receptacle aux crédits que les banques ne gardent pas à leur bilan : dettes immobilières de mauvaise qualité, crédits tendus aux LBO, et autres instruments pour lequel le risque n'a certainement pas été suffisamment valorisé.
Tout cela est packagé dans les SIV, dont les différentes tranches offraient, à l'origine, un rendement attractif compte-tenu du risque (évalué ? noté ? perçu ?) Quand on voit maintenant que des tranches, encore notées AAA, ne valent plus que 60 % du nominal, on se rappelle bien que sur les marchés, le balancier de l'exagération va aussi vite dans un sens que dans l'autre.
Mais pour le moment, ces SIV ont bien du mal à trouver les financements court terme qui devraient les maintenir à flot. Certaines banques les réintègrent donc dans leur bilan, ce qui est douloureux en terme de coût du capital. D'autres tentent de monter un super SIV, dans le but de faciliter le financement en présentant une alliance des sponsors. Tous font tourner l'ingénierie financière pour diminuer les encours, avec un certain succès.
La descente aux enfers des valorisations a un impact croissant sur les provisions à passer. On le verra sur les comptes du 4ème trimestre, et certainement encore au 1er semestre 2008. A long terme cependant, tous les SIV ne perdront pas la moitié de leur valeur, et charger la barque maintenant donnera peut-être la possibilité de reprendre des provisions plus tard.
Fondamentalement, quel était l'intérêt des SIV ? C'est de sortir des actifs des bilans bancaires, donc d'économiser des fonds propres. Le propre de la règlementation prudentielle des banques, c'est d'avoir des fonds propres en face de ses risques, de crédit, de marché, de contrepartie, opérationnels, etc... Donc si on sort les actifs, on distribue le risque au marché, aux investisseurs, et on supprime le besoin de fonds propres, lesquels peuvent être utilisés sur les opérations présentant le meilleur rendement ajusté du coût du capital, ou bien rendus aux actionnaires.
Le problème bien entendu, c'est que le risque n'a pas été entièrement sorti. Les SIV se financent en émettant de la dette court terme. Quand ce financement se tarit, comme c'est le cas actuellement, les banques sont bien obligées d'assurer les arrières, sauf à laisser leurs SIV faire défaut. Ce serait alors le risque de réputation qui en prendrait un coup : très délicat pour une banque, dont l'existence repose fondamentalement sur la confiance qu'elle inspire, et que les règles de solvabilité sont supposées renforcer.
Les SIV, par la titrisation sur laquelle ils sont fondés, permettent justement de sortir du carcan des ratios d'adéquation du capital. Se finançant à court terme en investissant dans des titres à long terme, ils font de la transformation, base du métier de banquier, sans en avoir les contraintes en terme de capital. D'une certaine façon, leur récent succès est une conséquence de la réglementation bancaire. N'entendez pas que je préconise l'allègement des normes prudentielles. Mais pour ceux qui préconisent un renforcement de la règlementation, pour l'adapter par exemple aux SIV, il faut bien comprendre que l'imagination financière trouvera toujours un moyen de créer un instrument hors règlementation; que les supposées vertus de la transparence ne s'appliquent qu'à ce que chacun entend bien montrer; que le strict respect des règlementations, vérifiée par tous les inspecteurs que l'on veut, ne remplacera jamais le regard impitoyable du marché, et que lorsqu'il y a une panique bancaire du style Northern Rock, le public fait bien peu de cas du respect des normes prudentielles. Quand la grande banque voisine ne veut plus prêter à la mienne, puis-je encore raisonnablement y laisser mon argent ?
Finalement, la crise actuelle nous apprend que le risque de liquidité, dans sa dimension irrationnelle, reste bien difficile à appréhender et encore plus à évaluer.




24 octobre 2007

MIFID mi raisin

Je viens de recevoir de mes banques des informations concernant la transposition en droit français, à compte du 1er novembre, de la Directive sur les Marchés d'Instruments Financiers, MIF, dite MIFID en anglais.
Pour faire court, MIFID supprime le monopole des places boursières en organisant la concurrence des lieux de cotation; en deuxième point, elle renforce les obligations, de conseil notamment, envers les clients, de façon à renforcer leur protection.
Sur le premier point, la fin du monopole est la bienvenue. En permettant l'internalisation des ordres, MIFID supprime l'obligation de présenter les ordres sur le marché, et autorise donc les établissements financiers à apparier directement les ordres opposés, évitant ainsi les coûts de négociation et de compensation. Sous réserve que l'économie ainsi réalisée profite au client, la réforme sera profitable. En 2006, Euronext a dégagé un bénéfice net de 362 millions € pour un chiffre d'affaires de 1102 millions €, dégageant ainsi 33% de marge nette, niveau éhonté permis par la situation de monopole. Les grandes banques d'investissement s'engouffrent dans la brêche, et créent des plate-formes de transaction qui vont leur permettre de négocier pour moins cher. Vive la concurrence, qui fait baisser les prix !
Le deuxième grand thème de MIFID représente une vraie révolution culturelle pour les banquiers : ils vont maintenant avoir l'obligation, vis-à-vis de leurs clients non professionnels, de leur délivrer un conseil en investissement adapté à leurs connaissances financières et à leur situation personnelle. Par exemple, il s'agira d'éviter que votre conseiller vous appelle pour vous vanter les mérites de son dernier placement, sans vous dire qu'il vous engage pour 5 ans, alors que vous avez laissé un peu d'argent sur votre compte pour payer vos impôts. Dans sa plaquette, ma banque me prévient d'ailleurs qu'elle sera "régulièrement amenée à me demander des informations afin de connaître précisément ma situation financière, mes objectifs de placements et mon expérience en matière de placements financiers." Ca tombe bien, mon chargé de compte a changé début 2006, et le nouveau n'a pas encore trouvé le temps de m'appeler ! Mais dommage pour lui, car j'ai plusieurs comptes justement pour diversifier et pour éviter qu'un seul sache tout de moi : je ne suis donc pas certain de satisfaire entièrement sa curiosité, si elle se manifeste. Mais il pourra toujours lire ce blog pour apprécier mon niveau de connaissance.
La grande question est de savoir comment pratiquement cela va s'organiser dans les banques, pour délivrer un conseil aux clients qui soit autre chose que du formalisme fondé sur l'objectif de réduction des risques juridiques. Attendons de voir les premiers procès pour défaut de conseil ou mauvaise information, sous l'égide de MIFID, pour apprécier ce que les Tribunaux feront des obligations conférées par la nouvelle loi. De plus, tout ceci a un coût élevé, et comme chacun le sait bien, c'est toujours le client qui paye. Pour ma part, je suis souvent mal à l'aise face à l'accumulation de règlementation, car j'ai le sentiment que la protection qu'elle confère est illusoire, qu'elle remplace, faussement, la responsabilité du client et qu'elle coûte cher.
Donc très bien pour l'obligation de conseil, OK pour la protection du consommateur, mais attention au prix de la protection et à la qualité du service et de la recommandation. Il ne s'agirait pas d'acheter un put au moment où le marché est au plus bas !

11 octobre 2007

L'A380 est trop petit ...

... pour contenir tous les initiés de "l'affaire EADS" !
Au cours d'une minutieuse enquête, l'AMF, notre Autorité des Marchés Financiers, a trouvé plus de 1200 initiés qui auraient réalisé 90 millions de profits indus entre novembre 2005 et avril 2006.
J'avais appris en Bourse que lorsque quelqu'un vous passait un tuyau dans la main droite, il fallait immédiatement transmettre l'ordre de la main gauche, de peur que le marché ne soit déjà informé, et le tuyau percé. Selon la bonne vieille théorie de l'efficience des marchés, toute information publique est intégrée dans les cours, et il n'est donc pas possible d'en profiter. Pas du tout pour l'AMF, dans le cas EADS.
Et on nous explique doctement ici que 1200 personnes auraient gardé précieusement un secret d'une telle importance pendant plus de 6 mois, sans que le marché n'en sache rien ! Alors que la valeur est suivie par des dizaines d'analystes financiers ?
Question n°1 : 1200 personnes, c'est du privé ou du public ?
Question n°2 : si les mêmes 1200 personnes détiennent une information pendant 6 mois, peut-elle encore être considérée comme privée ?
Il paraîtrait aussi que Lagardère aurait trempé dans l'affaire, lui qui clamait sur tous les toits depuis l'automne 2005 qu'il voulait vendre !
Quant aux dirigeants d'EADS (regardez ici les déclarations obligatoires) qui ont exercé leurs stock-options et ont immédiatement revendus les titres, ce qui est l'usage, il faut rappeler qu'ils ont agi pendant les courtes périodes où le droit néerlandais le leur permettait. EADS est en effet une société de droit néerlandais, et la législation relative aux stock-options y est sur ce point beaucoup plus restrictive que celle existant en France à cette époque (les conditions françaises ont été durcies depuis).
Il serait intéressant de relire les analyses financières publiées début 2006, au moment où les grosses commandes se succédaient. A mon avis, sur un programme comme celui-là, ceux qui croyaient que tout allait se passer sans aucun problème faisaient preuve d'un optimisme éhonté, compte-tenu d'une part de l'historique de ce type d'opérations industrielles, et d'autre part de l'effroyable gouvernance franco-allemande d'EADS.
Une nouvelle pour finir : Boeing vient d'annoncer que son 787 Dreamliner va lui aussi subir des retards significatifs. Amis lecteurs, dommage pour vous : ce n'était pas une info privilégiée, et il est inutile de shorter Boeing, du moins pour cette raison, car c'est déjà dans les cours !

07 octobre 2007

Une belle relance




C'est comme une belle relance après un essai encaissé.
KKR, dont j'ai déjà parlé ici, et Citigroup, ont décidé de s'allier pour créer un fonds destiné à racheter des crédits décotés, provenant des colles du private equity et des produits structurés de crédit. Montant prévu : 15 milliards de $. Financement : 1/3 de fonds propres, 2/3 de dettes.
A partir du moment où Citi a déjà provisionné les crédits qui n'ont pas pu être syndiqués, c'est une bonne idée de créer un nouveau produit dessus. Cela s'appelle se refaire.
Les 10 milliards prêtés au fonds vont générer une marge sympathique. Et imaginons que Citi etr KKR décident de les structurer dans un conduit, et de redistribuer le risque, ils trouveront bien des hedge funds pour y investir.
Ils ne sont d'ailleurs pas les premiers à tenter l'aventure. Si la dépréciation de certains produits structurés de crédit est plus la conséquence du défaut de liquidité que du risque de défaut, c'est une bonne opération que d'y investir dans le creux du marché. Des fonds ont d'ailleurs été créés en toute hâte cet été pour ce faire, avec pour conséquence de rapprocher le marché de sa juste valeur et de redonner de la liquidité. Je ne serai d'ailleurs pas étonné que Goldman Sachs y ait généré une partie de ses impressionnants bénéfices du troisième trimestre.
Décidément, la finance moderne est étonnante : avec une bonne dose de houtzpah arrosée d'une rasade d'imagination, on parvient à se sortir des situations les plus délicates. Nous vivons dans un monde merveilleux !

04 septembre 2007

Une histoire de pantalons

Connaissez-vous cette histoire de pantalons, à propos du marché noir pendant la guerre. Il s'agissait d'une cargaison de pantalons, qu'un trafiquant vendait. Son acheteur trouvait ensuite un nouveau client, qui rachetait le lot un peu plus cher. Après plusieurs transactions équivalentes, les pantalons finissaient par revenir au vendeur initial, qui les reprenaient deux fois plus cher que le prix qu'il avait obtenu initialement. Ne trouvant alors plus d'acheteur, il s'avisa d'ouvrir les cartons, pour découvrir avec stupéfaction que les pantalons n'avaient qu'une seule jambe ! Furieux, il s'en retourna vers son vendeur, lequel lui répondit avec aplomb qu'il ne s'agissait pas de pantalons pour porter, mais de pantalons pour vendre.
Quel rapport avec la crise des marchés financiers de cet été ? Il y a plusieurs analogies.
Tout d'abord, on voir que tant que l'on trouve un acheteur pour vous racheter un peu plus cher ce que vous venez d'acquérir, tout va bien. Mais si plus personne ne veut racheter, et que l'on est contraint de garder le produit, on constate alors, en le regardant de près, qu'on a peut-être payé trop cher. Sur le marché, quand la rentabilité d'un instrument dépend étroitement de la capacité à le revendre rapidement, on entre dans la zone risquée. C'est ce que l'on a vu sur beaucoup de CLO, CDO et autres ABCP, sans compter les titrisations sur des créances déjà titrisées. Lorsque le rendement ne couvre plus le risque, alors c'est la plus-value qui est supposée boucler la rentabilité. Cela implique de pouvoir trouver un acheteur.
Deuxième analogie : la liquidité n'est pas garantie. Créer un produit complexe, très bien. Avoir des vendeurs pour ces produits, facile. Mais trouver des acheteurs, c'est bien là que le problème se complique. Dans certains cas, quel que soit le prix, il n'y a plus de marché; le problème n'est même plus de revendre à perte, le problème est qu'on ne peut plus revendre. Pendant le krach de 1987, même sur les plus grandes valeurs américaines, IBM, GE et autres, il n'y avait pas de cotations. Sur les marchés financiers, on peut se couvrir contre le risque de marché, de taux, de change, de volatilité, de variation des matières premières, etc... Mais il y a un risque contre lequel on ne peut pas se couvrir, c'est celui de la liquidité du marché : quand il n'y a plus d'acheteur, quand on ne cote plus, quand il n'y a plus de prix, on ne peut plus rien faire. Il ne reste plus qu'à espérer que la FED fournira des liquidités en prenant n'importe quel papier en garantie, même ceux dont plus personne ne veut, comme elle l'a fait le 16 août. Et on se retrouve avec des sicav de trésorerie dynamique, supposées rapporter un petit peu plus que le taux monétaire au prix d'un léger risque de variation à court terme, que la BNP Paribas décide de fermer pendant 2 semaines car elle ne peut pas se débarasser du papier qui y est logé, et donc est dans l'impossibilité de répondre aux demandes de rachat de parts tout en maintenant l'égalité des porteurs.
Troisième analogie, c'est la crise de confiance. Quand tout va bien, on achète sans trop regarder, surtout si le vendeur est un établissement réputé et que Moody's ou Fitch a donné un AAA au papier concerné. Il importe cependant de se rappeler que la note ne vaut que dans un environnement de marché normal, et que d'autre part, c'est le marché qui, in fine, met un niveau de prix en face de chaque note, lequel prix est, et c'est heureux, beaucoup plus volatil que la note.
Finalement, tous les arbitragistes vous disent que ce qu'ils détestent le plus, c'est de se retrouver sur une jambe lorsqu'ils font une transaction. Où l'on retrouve notre histoire de pantalons ...

05 juillet 2007

Emettez, introduisez !



Emettez, introduisez !
Les augmentations de capital, émissions de nouveaux titres et introductions en Bourse se succèdent à un rythme effréné sur toutes les places boursières. A Paris, l'introduction de Europacorp, la société de production de Luc Besson, sur Eurolist B, a permis de lever 75 millions d'euros par augmentation de capital. Au même moment, Wavecom, le fabricant de modules radio pour les téléphones, lance une émission d'Oceane de maturité 7 ans, pour 70 millions. Récemment, Veolia a levé 2,5 milliards d'euros par une augmentation de capital classique. A New York, Blackstone Group, leader mondial du private equity, s'est introduit en Bourse de manière fracassante, en levant plus de 4 milliards de dollars. Et je ne parle pas des levées de fonds géantes opérées par les sociétés chinoises.
Qu'ont-ils donc tous à vendre ainsi du papier ? On peut bien sûr l'expliquer par les opportunités de développement, le souhait de capter les abondantes liquidités disponibles sur le marché, la volonté de grossir pour ne pas être dévoré par encore plus gros que soi.
D'un point de vue contrarian, cela donne un signal : quand les sociétés se précipitent pour distribuer du papier, c'est qu'elles estiment que le cours est suffisament élevé pour bien vendre. Avant de se précipiter pour acheter, il est sage de s'assurer qu'il y a derrière un réel projet d'investissement créateur de valeur, et non pas seulement le désir de profiter de conditions de marché attractives. Car quand la fenêtre d'opportunité se referme par la suite, cela veut dire que les cours sont plus bas. Dommage alors pour ceux qui ont souscrit, trop cher peut-être.

02 juillet 2007

Combien de Bear Stearns ?

La déconfiture du hedge fund géré par Bear Stearns Asset Management, High-Grade Structured Credit Fund, pose quelques questions sur la situation réelle du marché. De nombreux hedge funds ont investi sur les CDO's basés sur les crédits subprime, c'est-à-dire les crédits immobiliers de faible qualité repackagés en titres obligataires. C'est peu dire que la liquidité de ces titres est fluctuante; elle dépend en fait uniquement de la présence ou non de market makers, souvent des hedge funds, pour faire des prix. Que vaut un titre si personne ne le cote ? Comment valoriser un portefeuille dont l'évaluation des titres le composant est sujette à caution ?
Pour permettre à son hedge fund de se deleverager de façon ordonnée, en fait de liquider ses positions tranquillement sans mettre le chaos dans le marché, Bear Stearns lui a accordé une facilité de crédit de 3,2 milliards de dollars. Très bien, la situation est stabilisée, du moins celle qui est visible.
Ce hedge fund est-il le seul dans sa situation ? Difficile à croire. Pourquoi les autres gestionnaires n'ont-ils pas pris la même décision que Bear Stearns ? N'y a-t-il eu pas d'autres pertes réalisées, ou bien les valorisations des positions ont-elles été plus agressives ? Mystère. Bear Stearns est-il un cas isolé, ou bien un précurseur ? Ahead of the curve est son slogan. Quand la courbe est plate, comme celle des taux actuellement, cela ne donne pas beaucoup d'avance sur les autres. Alors, d'autres problèmes de hedge funds prochainement ?

08 mai 2007

Chaud devant !

Après un mois d'avril chaud et sec comme jamais, les quelques pluies et la relative fraicheur de ces derniers jours sont une bénédiction pour mon jardin : le gazon reverdit, les fleurs reprennent des couleurs, les petites et encore vertes mirabelles et cerises promettent les bons fruits d'été.
C'est l'occasion de dire quelques mots sur le thème du réchauffement climatique, lequel, dixit notre nouveau président, doit devenir la priorité n°1.
Moi qui ne suis pas un adepte du réchauffisme, j'ai la faiblesse de penser que les problèmes du climat sont pour dans 3 jours. Dans 2 jours, il nous faudra résoudre, à notre échelle française, les conséquences de nos dettes publiques et sociales. Et demain, nous devrons apprendre à vivre avec la bombe atomique iranienne, fer de lance du nazislamisme. Ceci étant posé, j'ai quelques interrogations sur la question du réchauffement.
Je suis un homme de marché, ni scientifique ni climatologue. Ce qui m'intrique, lorsque je lis les compte-rendus des réunions du GIEC, c'est l'unanimisme scientifique sur les prévisions à très long terme du climat, sur le caractère inéluctable du réchauffement pour l'an 2100. Tout le monde serait-il d'accord pour prédire l'avenir climatique ? La fatalité serait-elle en marche, bien que le même proclamait dimanche soir que le mot ne faisait pas partie de son vocabulaire ? Ne se trouve-t-il donc pas de savants qui ont abouti à des résultats différents, qui ont émis d'autres hypothèses, qui parviennent à des conclusions invalidant l'inéluctabilité du réchauffement ? Quand il s'agit de prédire l'avenir, on devrait quand même s'attendre à plus de controverses que lorsqu'il s'agit de fixer le calendrier des éclipses du soleil ! Il est vrai que les thèses contraires au réchauffisme sont balayées d'un revers de la main, car étant, paraît-il, financées par les compagnies pétrolières à la solde de Bush. Ce qui, on en conviendra, ne constitue pas actuellement une carte de visite très élogieuse.
Sur les marchés, pour me forger mon opinion, j'aime lire les idées des uns et des autres, des bullish et des bearish, de Yardeni comme de Roubini. Et si j'ai un avis haussier, j'ai besoin de comprendre le point de vue des baissiers; si je suis d'une certaine opinion et que le marché me donne raison, il m'est d'autant plus important d'essayer d'envisager quand l'avis contraire prévaudra, et que le marché se retournera.
Il y a 20 ans, mon ami Georges, qui m'a appris la Bourse quand je faisais mes premières armes chez un agent de change, m'expliquait que quand tout le monde dit que ça ne peut que monter, c'est le moment de vendre. J'ai gardé ça dans un coin de ma petite tête, toujours prêt à donner du grain à moudre à mon esprit contrarian.
En homme de marché, libéral convaincu, j'observe avec quelque inquiétude les conséquences de certaines de nos actions dans la lutte contre le réchauffement climatique. Prenons par exemple les voitures propres, qui ne brûlent plus d'essence tirée du pétrole, mais du carburant végétal. Quel impact si nous remplaçons nos cultures vivrières par les céréales à carburant propres ? La demande tirant les prix, quel impact si cette substitution se produit dans les pays pauvres, où l'agriculture de subsistance reste essentielle ? Et si, comme cela a déjà commencé, les forêts indonésiennes et philippines sont rasées pour répondre à la demande nouvelle, ne risque-t-on pas d'en voir disparaître à court terme la riche flore et la nombreuse faune que l'on espérait protéger en limitant la hausse des températures dans 50 ou 100 ans ? Et quels sont les besoins en eau, en énergie, pour produire un litre de carburant propre ? A notre échelle française, si on substitue un carburant vert détaxé à une essence lourdement imposée, quel impact sur nos finances publiques ?
En attendant, le carbone est un nouveau marché qui s'est créé, et pour ceux qui veulent en savoir plus sur son fonctionnement, je recommande la lecture de l'étude récemment publiée par www.pointcarbon.com sous le titre : Carbon 2007, a new climate for carbon trading.

Il y a 100 ans en Europe de l'Est, mon arrière grand-père ("zl) se battait aux côtés de Lénine et Trotsky pour un monde meilleur.

(C'est celui qui tient la pancarte, à côté du fier Trotsky, malheureusement un peu déchiré sur cette vieille photo).
Ce monde meilleur, il est finalement venu le chercher en France, et les méfaits du soviétisme stalinien l'ont rapidement convaincu, dès le début des années 30, que la patrie du socialisme n'était pas le paradis annoncé.
Mais quand même, ces combats d'il y a un siècle avait une autre allure que ceux menés aujourd'hui par les adeptes du réchauffisme !

23 avril 2007

China shakes the world

J'ai profité de quelques jours de vacances chez des amis à Oxford pour lire un livre récemment publié par James Kynge, ancien correspondant du Financial Times en Chine, sous le titre "China shakes the world, the rise of a hungry nation".
Quelques idées à retenir de ce livre passionnant.
- La population active chinoise augmente de 25 millions de personnes chaque année, à qui il faut trouver un travail. Cela sans compter les mouvements internes de population, avec l'afflux des campagnes vers les villes. La croissance forte à long terme de l'économie est donc un impératif vital. Pour simplifier, la Chine dit : A nous les emplois, l'Occident dit : A nous les profits.
- L'immensité du marché intérieur chinois fait rêver, mais pas seulement les occidentaux : les Chinois également. En fait, la concurrence interne chinoise sur tous les segments des biens de consommation est intense, d'autant plus que les producteurs y sont à armes égales. La conséquence est que les marges y sont très faibles, et que les profits sont donc recherchés à l'exportation.
- Au niveau culturel, les chiffres ont une importance très grande. Les slogans officiels en sont une illustration. Cela est une conséquence de la situation permanente de surpopulation, et de la difficulté à nourrir toutes les bouches. La Chine est vraiment un pays qui a faim, dans toutes les acceptions du terme. On comprend mieux aussi la rapidité avec laquelle la Chine a su intégrer les sciences et les techniques.

Pour l'avenir, posons-nous quelques questions sur la place future de la Chine dans le monde de la finance. Avec 1200 milliards de dollars de réserves de change, en rapide augmentation, et une épargne intérieure imposante, la matière première ne manque pas ! Pour le moment, l'allocation d'actifs n'est pas optimale. Mais on peut penser que les grandes banques chinoises vont rapidement intégrer les outils de la finance moderne. Avec la taille de leur bilan, elles deviendront des concurrentes redoutables. Par ailleurs, le gouvernement prévoit de créer une agence d'investissement, dotée de 200 milliards de $ pour commencer, histoire d'investir une partie des réserves de change de façon plus optimale, un peu sur le modèle de la Temasek singapourienne. Cela va constituer un investisseur institutionnel intéressant. Le temps n'est pas très éloigné où les OPA initiées de Chine viendront s'imposer sur les bourses européennes et américaines.
Vous connaissez NFM Technologies ? Certainement pas, et moi non plus, jusqu'à ce que je lise dans le journal ce matin que ce fabriquant de tunneliers et de grosses pièces de fonderies pour l'armement et le nucléaire, qui emploie 240 personnes à Lyon et au Creusot et réalise 70 millions de CA, allait être repris par son partenaire chinois FHGM. En France, cela ne fait que commencer, sachant que le mouvement est déjà bien entamé aux Etats-Unis.
J'écoutais récemment à une conférence Patrick Kron, PDG de Alstom, qui expliquait que le débat sur les délocalisations était dépassé; ce qui compte, c'est de savoir où seront les prochaines localisations, c'est-à-dire où s'implanteront les futures usines, centres de recherche et entreprises.
La Chine n'a pas fini de nous secouer.

10 avril 2007

Le pouvoir chez Valeo

Qui prendra le pouvoir chez Valeo ? Voilà un cas intéressant de gouvernance d'entreprise qui se joue actuellement chez l'équipementier automobile. Le fonds Pardus, premier actionnaire avec plus de 12% , cherche à marier Valeo avec son concurrent américain Visteon, dont il est aussi un actionnaire important : 17%. L'opération lui permettrait de baisser son prix d'achat moyen sur le groupe combiné. Mais l'union de Valeo avec un Visteon mal en point nécessitera une lourde restructuration, encore plus spectaculaire si le groupe est unifié. Thierry Morin, PDG de Valeo, n'est pas partisan de cette solution. On le dit attiré par une solution de rachat de l'entreprise par un fonds de LBO, et le nom d'Apollo a été évoqué. Il est clair que s'il appuie cette solution, sa participation au projet lui garantira un management package des plus intéressants. La reconfiguration du groupe, nécessaire de toute façon, se ferait ainsi à l'écart de la transparence boursière.
Quand à Guy Wyser-Pratte, qui avait acheté 3% de Valeo pour pousser une solution d'indépendance fondée sur une rationalisation des activités, il a préféré vendre la semaine dernière vers 44 €, considérant qu'il ne pouvait pas espérer un niveau plus élevé lors d'un rachat en LBO.
L'affaire est pimentée par le renouvellement du conseil d'administration, car 9 membres sur 11 doivent être renouvelés ou confirmés à la prochaine AG du 21 mai. Le CA est d'ailleurs composé majoritairement de membres indépendants, donc intéressés uniquement par la défense des intérêts des actionnaires et de l'entreprise, Pardus n'étant pas représenté au conseil.
La réunion du CA de ce 10 avril a laissé toutes les options ouvertes, sans prendre parti pour l'une ou l'autre des propositions. Les 6 semaines qui restent avant l'AG promettent d'être chaudes pour décider l'avenir de Valeo, car il ne sera pas simple de dégager une majorité de votes sur une solution. En particulier, on ne connaît pas encore la position des fonds gérés par Franklin Templeton, qui réunissent plus de 10% du capital. Quant à la CDC, 3ème actionnaire avec 6,5%, on a tendance à y voir le bras armé de la puissance publique, gardien de l'intérêt patriotique et de l'emploi français. Il n'est d'ailleurs pas sûr que l'AG soit amenée à se prononcer sur l'évolution de l'entreprise, ce qui serait regrettable.
Voilà un beau sujet de recherche pour un étudiant en finance, mêlant réflexion stratégique, problème de gouvernance et analyse de rapports de force.
A noter que je détiens, indirectement, des obligations convertibles Valeo, mais pas d'actions; je n'ai donc pas de droits de vote.

25 mars 2007

Le jeu du marché

Pour le profane, le marché financier ressemble souvent à une boîte noire dont on ne comprend pas grand-chose, et en particulier ce qui le fait monter ou baisser. D'où la tentation, erronée, de l'assimiler à un casino, lequel est statistiquement un jeu à somme négative puisque l'Etat prélève sur chaque gain. Et pourtant, il est simple de créer un jeu du marché, où l'on s'amuse à coter un contrat fictif pour, tout en jouant, mieux comprendre comment fonctionne le marché, évaluer les stratégies utilisables, ressentir le stress de tenir une position.
La première fois que j'ai joué au jeu du marché, je travaillais chez un courtier sur le Matif. Je me souviens d'une soirée très excitée dans un restaurant, où toute l'équipe, traders de la table et négociateurs sur le parquet, nous avons joué avec autant, sinon plus d'excitation qu'en journée sur le vrai marché. Au point que le patron de la pizzeria nous avait menacé d'appeler la police vers minuit pour mettre un terme à notre jeu et ramener un peu de calme.
J'ai aussi utilisé ce jeu comme éducatif dans des cours de finance, que je donne pour des masters dans des écoles de gestion. Dans ce cadre, la difficulté est de créer un marché assez animé, avec de nombreuses transactions. Les sages élèves en cours ont un peu plus de mal à se lâcher que des traders dans une soirée, passablement arrosée il est vrai.
Comment jouer ? Très simple ! Prenez 10 personnes; chacun note sur un papier un nombre entre 0 et 10, sans le montrer aux autres. On met tous les papiers dans un chapeau, on forme un cercle pour recréer un parquet de cotation, et on cote la somme des 10 nombres. Ca paraît tout bête, mais je vous assure avoir joué des heures avec ça, dans une ambiance digne du floor du notionnel à la belle époque.
Quelques explications statistiques. Si chacun écrit un nombre entre 0 et 10, l'espérance mathématique de la somme est de 50, pour un observateur extérieur. Mais chaque participant à sa propre opinion sur le marché : si j'ai écrit le chiffre 10, le marché vaut pour moi 55 : mes 10, plus l'espérance mathématique des 9 autres chiffres, soit 45. Je suis donc prêt à acheter jusqu'à 55. Inversement, pour celui qui a mis 0, son estimation de la valeur du marché est de 45, il accepte donc de vendre jusqu'à 45.
Regardons maintenant ce qui se passe à l'ouverture du marché, où l'on cote au début 49 - 51 . Chaque participant tient son carnet de négociation, où il note les quantités achetées et vendues, ainsi que les cours. Si 2 participants sont gros acheteurs, cela signifie que pour chacun le marché vaut 55, car ils ont inscrit 10 sur leur papier; et si c'est la réalité, le marché vaut en fait 60. Sauf s'il y a tout de suite un gros vendeur, qui a donc inscrit un petit chiffre, et qui est prêt à faire baisser le marché. Si le vendeur est observateur, il peut laisser monter le marché avec les acheteurs, et leur vendre sur ce qu'il estime être le point haut. En quelques secondes, le marché peut donc être très animé, changer de sens, connaître des variations importantes selon les estimations que chacun se fait de l'opinion des autres, etc... 10 personnes, 10 chiffres sur des bouts de papier, et on se croirait à Chicago, sur le floor du CME.
Mettons quelques règles pour encadrer la cotation. Par exemple, traiter un maximum de 10 contrats par négociation, fixer une position ouverte maximum de 100 contrats, à l'achat ou la vente. Il est amusant aussi de publier régulièrement un chiffre, comme s'il était 14h30 et que sortait aux US le CPI ou la balance commerciale. Pour cela, il suffit de tirer un papier du chapeau et d'annoncer le chiffre. Instantanément ou presque, le marché va s'ajuster sur la nouvelle valeur : Si 10 a été publié, le marché doit donc coter 55; si c'est 3, ça vaut 47, toujours selon le même principe. Dès que l'information est publique, elle est immédiatement intégrée dans les cours : c'est le principe de l'efficience du marché.
Notons également que différentes stratégies sont possibles. Si le marché est très animé, il y aura un scalper, qui essaiera d'acheter à 51 et de vendre immédiatement à 52, donc d'être présent le plus possible sur la fourchette de cotation. Le scalper est un intervenant de très court terme, qui fournit de la liquidité au marché : ce spéculateur est très utile. On trouvera aussi des investisseurs de plus long terme, qui tiendront une position, et en sortiront une fois leur objectif de cours atteint. La gestion des positions perdantes est également très importante : comment chaque participant va-t-il fixer ses stop-loss, c'est-à-dire la perte maximum qu'il accepte de supporter. Chaque trader, en fonction de son tempérament, du marché et de sa position, établira sa propre stratégie. Certains sauront tenir longtemps des grosses positions, d'autres auront le papier qui leur brûle les doigts, et sortiront très vite dès qu'un petit gain sera enregistré. Le jeu est un excellent éducatif, pour comprendre comment fonctionne le marché, et pour apprendre à négocier et à gérer ses positions.
Pour que le jeu soit le plus réaliste possible, on donne un numéro à chaque participant, de façon à noter en face de qui on traite. De cette façon, on peut ainsi faire une véritable compensation du marché, et tirer à la fin le gain ou la perte de chacun. Ultime raffinement, chaque point vaut 10 centimes (ou 1 euro), et on trade pour de vrai.
Si vous dinez un soir du côté de la Bourse, et qu'il y a dans le restaurant 10 excités en cercle, qui hurlent : Je paye 52 pour 10 ou : J'en ai 10 à 53, vous saurez maintenant de quoi il s'agit : c'est le Marché !

05 février 2007

Le risque a disparu !


Le risque a disparu ! C'est bien l'impression que l'on a quand on regarde les marchés ! Plus exactement, c'est la perception du risque qui a beaucoup diminué.
Quelques exemples : l'indice de volatilité implicite, VIX, se situe vers 10% sur les options sur indice SP500 cotées à Chicago sur le CBOE, niveau historiquement très bas; les spreads de crédit, sur les signatures non-investment grade, sont passés en 2006 de 350 à 200 pb, et ont continué à diminuer depuis le début de l'année; l'optimisme des investisseurs institutionnels se situe à un niveau très élevé. Au forum de Davos, les participants ont remarqué très justement la schizophrénie du monde, très bullish sur l'activité économique, et très pessimiste sur la situation géopolitique.
Dans un billet publié par Option Finance la semaine dernière, Patrick Artus faisait remarquer que la corrélation entre les cours de Bourse et les spreads de crédit, si forte jusqu'en 2003, était beaucoup moins nette depuis. Si les cours de Bourse avaient suivi les spreads de crédit, le CAC40 serait aujourd'hui 40% plus haut ! De même, le quotidien La Tribune publiait le 30 janvier un article de Michel Cicurel, le président de la Compagnie Financière, qui détaillait les risques sous jacents à l'optimisme ambiant. Et dans la dernière lettre du Vernimmen, Pascal Quiry rappelait que la valorisation des entreprises chinoises cotées supposait une croissance de leur rentabilité qui est tout sauf acquise.
Très forte liquidité mondiale avec la faiblesse des taux d'intérêt, flux financiers internationaux avec les déficits américains et les excédents chinois, innovations financières sous forme de credit derivatives, CDO et autres securitizations, tout cela forme un environnement où l'investisseur contrariant trouve quelques raisons de s'inquiéter. On peut actuellement acheter de la dette Ford sur 5 ans avec un spread de 500 bp, et couvrir avec un CDS, credit default swap, qui affiche une base négative, permettant donc de reconstituer du taux sans risque, ou supposé tel, avec un rendement supérieur de près de 100 bp au swap 5 ans. Evidemment, en cas de problème, on peut se demander si le hedge fund qui fait la contrepartie sera en mesure de tenir ses engagements...
Rappelons-nous que lors du krach de 1987, l'assurance de portefeuille, qui était supposée protéger contre les situations les plus adverses, n'avait pas pu jouer son rôle, car les actions ne cotant plus, le contrat à terme sur le SP 500 qui lui servait d'instrument d'assurance était décoté de près de 10% par rapport à l'indice théorique : problème de liquidité. En 1998, lors de la faillite de LTCM, c'est aussi le problème de la liquidité sur les marchés qui avait été le plus lancinant, au point qu'il y avait même des spreads importants entre les T-bonds en fonction de leur liquidité !
Le cash disponible sur les marchés peut entrainer les valorisations sur des niveaux incohérents. La valorisation actuellement raisonnable des marchés boursiers occidentaux ne doit pas faire oublier les risques sous jacents. Chaque accident sur les marchés s'accompagne d'une contraction brutale de la liquidité sur les instruments traités; hors, le risque associé à ce phénomène est difficile à évaluer.
The International Risk Analyst a publié le 18 janvier un article très fouillé sur ce thème, sous le titre : Yield to commission : Credit derivatives, moral hazard and systemic risk. Tout un programme !

01 février 2007

The January effect, suite

Fin du mois de janvier, c'est le moment de faire le point sur l'évolution des indices boursiers depuis fin 2006.
Dow Jones : 12622 / 12463, soit une hausse de 1,3% sur le mois. SP500 : 1438 / 1418, donc 1,4% de hausse. Nasdaq : 2464 / 2415, ce qui représente un gain de 2%.
Donc une petite hausse unanime.
Pour suivre dans la même veine, il y a le Super Bowl effect, rappelé récemment par Ed Yardeni. Sur les 40 dernières années, les marchés américains ont connu une hausse annuelle de plus de 15% quand il a été gagné par une équipe de la NFL. Lors des victoires AFL, la moyenne des performances de Wall Street a été proche de 0. A suivre dimanche soir à Miami. Ca va chauffer entre les Chicago Bears et les Indianapolis Colts !

25 janvier 2007

L'ISF de nos candidats

Les discussions sur l'ISF de nos candidats ont attiré mon attention sur 2 points.
- Tout d'abord, on y parle surtout de stock, et non pas de flux. Normal pour se faire une idée du patrimoine, mais n'aurait-il pas été aussi intéressant de connaître la façon dont le patrimoine s'est constitué, et donc de regarder ce que gagnent nos candidats ? Si certains disent que l'on fait partie des riches avec un revenu mensuel de 4000 €, autant savoir ce qu'ils gagnent ! On n'aura pas à mon avis de surprises, mais plutôt des confirmations.
- D'autre part, avez-vous remarqué la composition de ces patrimoines ? De l'immobilier, de l'immobilier et de l'immobilier, plus des voitures, qui sont d'ailleurs plus des biens d'équipement que du patrimoine. Ségolène Royal annonce fièrement qu'elle ne possède ni actions, ni obligations, ni assurance-vie. François Bayrou, qu'on a déjà connu plus inspiré, se vante lui aussi de ne pas avoir de valeurs mobilières, mais il est vrai qu'il a des chevaux de course. A l'extrême gauche, on n'est pas surpris de ne pas voir de titres. De Villiers non plus n'en a pas. Pour Nicolas Sarkozy, je n'ai pas l'info. Seule Corinne Lepage avoue, sans les valoriser, des comptes d'épargne et de l'assurance-vie, en sus de son appartement parisien et de sa maison de Cabourg.
En clair, si on veut avoir la confiance des Français, on peut s'afficher sans problème avec de la pierre, l'investissement tranquille du père de famille avisé, mais surtout pas avec des actions, qui vous ont un côté spéculateur fort malsain. L'ISF de nos candidats nous en apprend plus sur l'opinion du bon peuple vis-à-vis du concept de richesse, ou supposée telle, que sur la richesse réelle des impétrants, au demeurant fort médiocre. On a presque envie de se dire : mais que font-ils de ce qu'ils gagnent ?
Et s'ils sont un exemple pour le peuple, on comprend mieux pourquoi les 877 milliards de dette de l'Etat sont détenus à 60% par des étrangers fin novembre, selon les chiffres publiés par l'Agence France Trésor, contre 54% un an plus tôt. Cela veut dire que les français ont vendu pour plus de 50 milliards de leur portefeuille d'OAT et de BTAN aux non résidents. Heureusement que les étrangers sont là ! On comprend mieux pourquoi la plupart des sociétés du CAC40 sont détenus à plus de 50% par ces mêmes non résidents, pourquoi le premier actionnaire de Total est le fonds de reconversion pétrolière de Norvège, devant le belge Albert Frère, lequel est aussi le premier actionnaire de Suez et de Lafarge.
En effet, si même ceux qui aspirent à devenir Président(e) de la France n'ont pas suffisamment confiance dans la dette publique française pour y souscrire, n'ont pas assez envie de participer au développement des entreprises françaises pour y investir, on se demande pourquoi le bon peuple le ferait !
Décidemment, moi qui détient des OAT et des actions de nos fleurons industriels, je me suis trouvé une autre bonne raison de me faire non résident !

10 janvier 2007

Ainsi va janvier

J'aime bien l'alliance de la théorie financière et des bons vieux dictons boursiers. Je rappelle donc celui sur janvier, qui dit que l'année va comme janvier, et que janvier va comme la première semaine de janvier. Compte-tenu que mardi 2, Wall Street était fermée, nous voici ce soir au terme des 5 premiers jours de bourse à New-York. Le moment est donc venu de faire le point.
Résultat : entre le 29-12-2006 et le 09-01-2007, le DJIA est passé de 12463 à 12416, soit une baisse de 0,4%; le SP500 a baissé de 1418 à 1412, également -0,4%. Au contraire, le Nasdaq (merci Apple et son iPhone) a monté de 2415 à 2443, soit 1,2%. Il y a un an, les indices américains avaient pris 4 à 6% sur la première semaine.
Conclusion : rien de bien clair à en tirer, c'est l'incertitude qui domine. Quand on regarde les prévisions sur l'évolution de la politique monétaire de la FED pour 2007, certains disent qu'elle remontera les taux jusqu'à 6%, sous l'effet de pressions inflationnistes; d'autres prévoient au contraire une baisse sous 4%, du fait de l'extension de la récession immobilière à l'ensemble de l'économie. Ca laisse de la place aux opinions les plus variées !


Peut-être un regard sur la volatilité nous apprendrait quelque chose ?
Voici le chart du VIX, l'indice de volatilité implicite des options sur le SP500, pour l'année 2006. Après le pic de mai juin, le VIX est redescendu tranquillement, passant même sous le niveau extrêmement faible de 10% mi décembre. On est actuellement vers 12%, ce qui mathématiquement correspond à un écart-type de variations quotidiennes de l'indice d'environ 0,75% : pas beaucoup. Historiquement, le VIX a une corrélation négative : -0,63, avec le SP500 : c'est l'indice de la peur sur le marché. Son faible niveau actuel témoigne d'une certaine confiance du marché, ou plutôt d'une faible aversion au risque. Les intervenants sur le marché ont évolué également, sachant qu'il y a maintenant beaucoup plus de traders et de vendeurs de volatilité, hedge funds par exemple. Une franche remontée du VIX serait à coup sûr un signal très négatif; pour le moment, elle n'est pas visible.
Il y a 6 mois, j'avais posté un message intitulé "Un changement d'opinion" Dans la même veine, j'ai remarqué ces jours-ci la conjonction de la baisse des matières premières, pétrole y compris, avec la remontée des taux d'intérêt, OAT et Bunds à 10 ans s'affichant au-dessus de 4%, comme d'ailleurs l'EURIBOR 1 an. Cela peut bien sûr s'expliquer par l'effet expansionniste de la baisse des commodities, d'où l'impact potentiellement haussier sur l'inflation. Cependant, c'était plutôt le raisonnement inverse qui avait habituellement cours : la hausse des commodities, alimentée par la forte croissance, risquait de se diffuser à toute la chaîne des prix. Et c'est bien ce raisonnement qui avait alimenté, pour une part, les relèvements de taux par les banques centrales.
Décidément, j'ai le sentiment que l'année 2007 nous réserve bien des surprises sur les marchés !

08 janvier 2007

Panne de croissance et coût du capital

La panne de croissance en France résulte en bonne partie de la faiblesse de l'investissement, comme le montrent les chiffres publiés par l'INSEE pour le 3ème trimestre.
C'est l'occasion de revenir sur les déterminants de l'investissement.
A quelles conditions un dirigeant d'entreprise va-t-il réaliser un investissement ? Quand la rentabilité de cet investissement sera supérieur au coût du capital. Pour dire les choses plus simplement, quand ça rapporte plus que ça ne coûte. Elémentaire, en effet.
Une chose est de calculer combien ça rapporte, une autre combien ça coûte. C'est ici que survient le coût du capital : coût moyen pondéré de la dette et des fonds propres. Pour quelle raison : parce que le coût du capital est justement le taux de rentabilité exigé pour réaliser l'investissement.
Si l'entreprise finance l'investissement pour moitié par de la dette et pour moitié sur fonds propres, il ne faut pas croire que les fonds propres sont gratuits et que seul le taux d'intérêt de la dette importe. Le coût des fonds propres est égal au taux de rentabilité exigé par un investisseur pour investir sur un projet de même niveau de rentabilité et de même risque, dans une logique d'arbitrage.
La théorie des marchés financiers nous apprend que ce taux est égal à la somme de plusieurs éléments.
- Tout d'abord, le taux sans risque, généralement évalué par le taux des obligations d'Etat à long terme, près de 4% actuellement.
- D'autre part, la prime de risque exigée pour investir sur un instrument de risque plus élevé que ce titre d'Etat. Pour une action cotée, on parle de la prime de risque du marché multipliée par le facteur Bêta, lequel représente le rapport entre le risque du titre et le risque du marché.

S'il y a donc peu, ou pas assez d'investissements, qui passent la barre du coût du capital, c'est peut-être que la rentabilité n'est pas suffisante : avantage concurrentiel insuffisant, charges pesant sur le travail, pricing power trop faible.
C'est peut-être aussi que le coût du capital est contraint par des facteurs de risque : si l'environnement réglementaire et fiscal est mouvant et imprédictible; si son accumulation en strates successives, parfois contradictoires, entraîne des coûts de suivi et de gestion importants, cela implique un risque supplémentaire. Le coût de ce risque, c'est-à-dire la rémunération qu'en exige un investisseur pour accepter de le supporter, se retrouve dans le coût du capital. Difficile à évaluer, certes. Mais l'oublier au prétexte qu'il est difficile à évaluer est une erreur. En bon pragmatique, je regarde d'abord ce que m'apprend la théorie, plutôt que d'en faire fi.
Donc petit conseil de politique économique : plutôt que de bidouiller tous les jours les lois, réglements, taxes et autres impôts, s'en tenir à la règle des 3 S : simplicité, stabilité, sécurité.
Pour conclure, j'ai envie de citer encore une fois Alan Greenspan (discours du 14-12-2005 à la NewYork University) : "All market economies require a rule of law to function : laws of contracts, protection of property rights, and a general protection of citizens from arbitrary actions of the state."