16 décembre 2009

Copenhagen, Shmokenhagen, suite

Je poursuis ma liste de réflexions sur le COP15 de Copenhague.
Cinquième question. On sait que sous le Protocole de Tokyo, un des principaux instruments destinés à réduire les émissions de CO² est le CDM, Clean Development Mechanism : les projets permettant une réduction des émissions de CO² dans les pays en voie de développement sont générateurs de crédits de CER, Certified Emission Reduction, achetés par des entreprises de pays développés pour tenir leurs engagements de réduction, sachant que 1 CER est équivalent à une tonne de CO². Le mécanisme est géré par l'UNFCCC, qui a mis en place les procédures. Dans chaque pays, c'est une DNA, Designated National Authority, qui gère le process, sachant que les projets sont audités par des DOE, Designated Operational Entities, parmi lesquels on trouve des grands noms de la certification tels que SGS et Bureau Veritas. A ce jour, 1952 projets CDM on été accrédités, devant générer 1,7 milliard de CER d'ici fin 2012.
Le principal bénéficiaire du CDM est la Chine, qui a ainsi engrangé plus d'un milliard de dollars avec ce système. Si vous vous plongez sur le site dédié de l'UNFCCC, vous constaterez que toutes les procédures sont extrêmement précises et détaillées. Mon expérience d'auditeur m'apprend toutefois que l'exhaustivité des procédures ne garantit ni l'absence d'erreurs, ni l'impossibilité de fraudes. D'où la question : parmi tous les CER attribués, contre espèces sonnantes et trébuchantes, combien correspondent à des réductions réelles, et combien à du vent ?
Sixième question. En fait, le système consistant pour des pays à prendre des engagements contraignants sur des limites ou des réductions a déjà été expérimenté dans un autre domaine, bien proche et bien familier de nous. Le Traité de Maastricht de 1993, qui a conduit à la création de l'euro, prévoit en effet des limites impératives au déficit public annuel, 3% du PIB, et à l'endettement public, 60% du PIB. La France n'a respecté le 1er critère qu'une année sur deux globalement; quant au 2éme, il est largement explosé depuis plusieurs années, et les prévisions les plus optimistes ne prévoient pas de revenir en-deçà d'ici 2020. Même chose pour les autres pays, le cas de la Grèce qui alimente actuellement la chronique nous le rappelle tous les jours. Ce sont pourtant des règles élémentaires de bonne gestion, et les pays de la zone Euro avaient même prévus des punitions budgétaires en cas de manquement à ces règles. On sait ce qu'il en est advenu : règles non respectées, punitions non appliquées ! On discute à Copenhague de savoir si on va limiter la hausse de la température en 2050, dans 40 ans, à 1,5° ou à 2°. Débat complètement psychédélique : les hypothèses sont incertaines, les modèles fluctuants, les résultats que l'on peut donc tirer sur 40 ans sont entachés d'une marge d'erreur plus que large. Et l'on sait de plus ce que peuvent peser des engagements de réduction, par exemple si une grande entreprise fait un chantage à l'emploi ou aux délocalisations. D'où la question : même si des accords sont pris lors de la réunion finale, qu'est ce qui nous garantit qu'il seront respectés, vérifiés et que les éventuelles sanctions prévues en cas de dépassement seront appliquées ?
En guise de conclusion. J'avais commencé ma discussion sur le thème de la religiosité. Comme dans les tragédies grecques où les humains sont le jouet des événements ourdis par les dieux, je constate avec amusement et délectation le tour pendable que nous prépare le dieu de la météo : la conférence consacrée au réchauffement climatique va se conclure par un froid polaire, sous d'abondantes chutes de neige !

06 décembre 2009

Copenhagen, Shmokenhagen

S'ouvre à Copenhague la grand messe des intégristes et des pieux dévots du réchauffisme. En tant que républicain laïc, j'observe avec un oeil mi amusé mi inquiet cet étalage de nouvelles croyances. Quelques réflexions viennent à mon esprit de financier, toujours en proie au questionnement et à la remise en question.
Première question. La crise financière que nous venons de vivre depuis 2 ans est fondamentalement une crise de modèle. Non pas du modèle capitaliste comme le pensent les benêts, mais des modèles sur lesquels est fondée la finance moderne depuis 50 ans, par des milliers d'universitaires, de chercheurs et de praticiens. Les modèles d'évaluation des risques, d'appréhension du risque systémique, sont centraux pour l'équilibre de nos économies sophistiquées. Les modèles cherchent à décrire la réalité, mais depuis 2 ans celle-ci s'est enfuie un peu plus loin que ne le prévoyaient les modèles. D'où la question : pourquoi les modèles de prévision climatique à 40 ou 100 ans seraient-ils plus robustes que les modèles de prévision des risques financiers à quelques semaines ou quelques mois ?
Deuxième question. Parmi les valeurs qui fondent notre identité nationale, je lis le mot "liberté" à la première place sur le fronton de nos mairies. Depuis la liberté de pensée chère à nos philosophes des Lumières du XVIII ème siècle jusqu'à la liberté de vivre chère à nos résistants d'il y a 65 ans.
Mais quand j'entends des leaders écologistes français, qui vont se présenter pour recueillir nos suffrages aux prochaines élections, traiter de "négationniste" ceux qui se posent des questions et ne suivent pas aveuglément les croyances réchauffistes, je sens un vent de révolte, de résistance et de liberté qui souffle en moi. On ne me prendra pas comme ça ma liberté de penser ! D'où la question : jusqu'à quel point faudra-t-il abdiquer de notre liberté pour "sauver la planète" ?
Troisième question. Urgence climatique me dit-on. La terre pourrait se réchauffer de 2°, voire plus, d'ici 2050, ce qui serait une catastrophe. En financier habitué à triturer les chiffres, j'ai fait un bête calcul avec la dette publique française. Celle-ci était de 717 milliards fin 2002, de 1017 milliards fin 2008, soit 41,8% d'augmentation, ou 5,1% de croissance par an. Fin 2009, on est à 1060 milliards. Appliquons ce taux de croissance de 5,1%, calculé sur une période moyenne et même plutôt faste économiquement, à une droite qui nous mène à 2050. La dette serait multipliée par un facteur de 7,39 : elle serait à 7833 milliards. En supposant, hypothèse optimiste, que son coût soit de 5%, il conviendrait de payer 391 milliards d'intérêts. Supposons maintenant que les recettes budgétaires, 200 milliards actuellement, augmentent au rythme d'une inflation de 2%, elles s'établiraient à 450 milliards en 2050, soit 59 milliards de plus que les intérêts à payer. Si la dette croît à 6%, et non plus à 5,1%, les intérêts absorberaient la totalité des recettes ! Il ne restera pas grand chose pour financer la lutte contre le réchauffement climatique. D'où la question : l'urgence est-elle climatique ou budgétaire ?
Quatrième question. Je regarde avec beaucoup d'attention le développement de la finance carbone, où toutes les grandes banques d'investissement s'engouffre avec avidité. Voilà en effet une commodity, le carbone, disponible en quantité infinie, dont le prix sera fonction en partie de décisions technocratiques influençables à souhait, qui sera manipulable facilement du fait de l'obscurité des informations et de l'absence de fiabilité des statistiques, qui se prêtera donc à une multiplicité d'arbitrages lucratifs et de prises de position gagnantes. Le carbone va devenir l'eldorado des traders ! D'où la question : les réchauffistes comprennent-ils qu'ils sont en train de se livrer pieds et poings liés aux spéculateurs ?

Dans 10 jours, la conférence de Copenhague aura peut-être accouché d'un accord boiteux. Je vois d'ici les grands titres de nos quotidiens et de nos journaux télévisés : "Copenhague : un accord pour sauver la planète" "Climat : la Terre sera sauvée". A votre avis, qui de Sarkozy, d'Obama ou d'un autre, aura envie d'endosser le rôle christique du sauveur ?