16 janvier 2010

Le grain et l'économie

Après les discussions sur les gaz, revenons-en aux choses sérieuses : que manger ce soir. Quand cela concerne 7 milliards de personnes, la question prend une autre dimension, comme nous le montrent les statistiques mondiales sur la malnutrition. J'ai lu avec intérêt que Charles Beigbeder, celui de Selftrade et de Poweo, songe à introduire en Bourse sa société Agrogénération, qui exploite 22.000 hectares de céréales en Ukraine. Que connait-on de l'Ukraine en France ? Ses footballeurs, les luttes de pouvoir entre les pro et les anti russes, le gazoduc qui apporte en Europe le gaz russe, et dont l'ouverture des vannes dépend de la chaleur des relations entre Kiev et Moscou ? Les amateurs de cinéma se souviennent du monumental escalier d'Odessa, si bien filmé par Eisenstein dans le Cuirassé Potemkine. Les liens entre la France et l'Ukraine sont pourtant anciens. Cette immense zone de peuplement ouverte par le pouvoir russe à la fin du XVIII ème siècle, avec Odessa, sa grande ville portuaire, a été une terre d'immigration et de commerce. Odessa a connu une transformation d'un gros village en un grand port de commerce sous l'administration, entre 1803 et 1814, d'un préfet nommé Armand Emmanuel, Duc de Richelieu, un noble français qui a fuit la Révolution et s'est mis au service du Tsar. Rentré en France, Richelieu a trouvé un successeur en la personne du Comte Alexandre de Langeron, également un noble français. En 1816, une grande compagnie de commerce international a été fondée à Odessa par Charles Sicart, un riche français, avec des bureaux à Paris, Marseille et Constantinople. Porte de l'Asie sur la Mer Noire, lieu où convergeait le commerce vers l'Europe, en particulier les exportations de céréales, Odessa a été pendant tout le XIXème siècle une grande ville cosmopolite, commerçante, culturelle. J'y ai quelques racines, puisque ma grand-mère y est née en 1908. Pendant cette période, l'Ukraine était le grenier à blé de l'Europe. En 1867, près de la moitié des céréales consommées en Angleterre venaient de Russie et d'Ukraine, et transitaient en bonne partie par le port d'Odessa. A partir des années 1870, le déclin d'Odessa, et de l'Ukraine derrière la ville, est une vraie leçon d'économie : concurrence, progrès technologique, productivité, baisse du coût des facteurs de production en sont les maîtres mots. Alors que les céréales étaient apportées à Odessa par des chariots tirés par du bétail, les Etats-Unis développaient le chemin de fer. C'est aussi à la même époque en Amérique que furent inventées les techniques d'ensilage vertical avec les ascenseurs à grain, permettant d'homogénéiser les qualités et de baisser le coût de la manutention. La création des marchés à terme à Chicago a donné aux fermiers les outils pour se protéger contre les fluctuations des cours, et les conséquences des aléas climatiques sur les récoltes. Les gains de productivité ont permis au Middle West de baisser les prix, gagnant des parts de marché en Europe en éliminant la concurrence russe. Il est étonnant de constater la vitesse de ce processus : en 1873, les Etats-Unis fournissaient 44% des céréales consommées en Angleterre, contre 14% en 1867, la part de marché russe étant tombée à moins de 20%. La course vers les terres cultivables est aussi menée par la Chine, les pays du Golfe, la Corée. De grandes entreprises agricoles se développent ainsi. A l'heure où l'on s'interroge sur la réforme de la Politique Agricole Commune en Europe, il y a certainement lieu de se demander si le modèle de la ferme, exploitation agricole familiale, peut subsister seul, et s'il n'y a pas lieu d'industrialiser le secteur, en favorisant la création de grandes sociétés de production agricole.

11 janvier 2010

Mes prévisions pour 2010

Que nous réserve 2010 ? Où gagner de l'argent en 2010, après une année 2009 qui a vu les actions faire entre 20 et 50% selon les places ? On connait l'effet janvier, qui dit que l'année va comme janvier, et que janvier va comme les premiers jours : 87% de probabilité depuis 60 ans. Avec ce un bon début d'année, c'est donc l'optimisme qui est de mise. Cela dépend aussi de votre confiance dans le renouveau économique, dans l'aléatoire réussite des exit strategies des banques centrales, dans la poursuite de l'optimisme, selon que vous soyez adepte du consensus ou bien contrarian.
Les banquiers centraux réunis ce week-end nous ont mis en garde contre l'excès d'optimisme. La vie en rose se lit pour le moment dans les indicateurs de risque : VIX en baisse, spreads des corporate bonds en baisse, détente des CDS, etc ...
On entend dire que la sélectivité sera de rigueur, comme si ce n'est pas toujours vrai : rien que sur le CAC40, comparez les performances respectives de Technip et de GDF-Suez en 2009 !
Osons quelques idées : les gagnants de 2010 ne seront pas ceux de 2009; les gros dividendes réguliers, ou vus comme tels, seront récompensés; les convertibles resteront un bon parti.
Finalement, peut-être que le meilleur moyen de gagner de l'argent en 2010 sera de ne pas en perdre. Ceux qui sauront sentir l'arrivée des tempêtes, se mettre à l'abri et couvrir leur portefeuille avant les inévitables baisses brutales seront les gagnants. Comment faire ? Lisez bien les signaux du marché, qui prévient un peu à l'avance pour celui qui est à l'écoute. Suivez les changements de raisonnements; regardez les volatilités implicites sur les options : si elles baissent beaucoup, les options ne sont pas chères : ce sera alors le moment d'acheter quelques puts. Enfin, surveillez la géopolitique : les nazislamistes de Téhéran et leurs milices filiales de Gaza ou Beyrouth ne resteront peut-être pas au calme toute l'année.
L'année 2010 ne ressemblera pas à 2009 : que de trades passionnants en perspective !