12 décembre 2006

Euro et dollar : qui donne le change ?

De gauche comme de droite, les coups bas continuent de pleuvoir contre la BCE, accusée par tous, après la remontée de son taux directeur de 25 points à 3.50%, de casser la croissance ou de favoriser un euro trop fort qui rend les économies européennes moins compétitives sur la scène internationale.
J'ai plusieurs éléments de réponse pour rassurer ces incultes économiques. Tout d'abord, observons que le dollar a remonté contre l'euro après la décision de la BCE d'augmenter ses taux. OK, buy the rumor, sell the news; mais quand même. Voyons ensuite le niveau relatif des taux en € et en $ : taux courts € = 3.50%, $ = 5.25%. Taux longs (bonds 10 ans) € = 3.75%, $ = 4.50%. Conclusion : pour les taux courts, avantage $ de 175 bp, pour les taux longs, avantage $ de 75 bp. Le dollar rapporte plus que l'euro, mais on nous dit quand même que les US favorisent la faiblesse du dollar, et que la BCE est sourde, ou autiste. Peut-être que le grand capital international est à la solde de la CIA, pour faire baisser le dollar contre l'euro, même s'il rapporte plus, et favoriser ainsi l'économie américaine contre l'européenne.
S'il suffisait pour une banque centrale de remonter ses taux d'intervention pour faire monter le cours de sa monnaie, le XXème siècle nous aurait montré que le deutsche mark et le franc suisse étaient des devises en perdition, alors que le réal brésilien et le peso argentin auraient été à l'avant-garde des monnaies fortes et des économies florissantes.
Pour regarder l'impact du change sur l'activité économique, il est utile de comparer les statistiques du commerce extérieur de la France, en léger déficit, et de l'Allemagne, en excédent record. Pourtant, le commerce extérieur allemand est plus développé hors de la zone euro que le français, et les exportations allemandes croissent plus vite hors zone euro, où elles sont le plus exposées à l'effet devise, que dans la zone euro. L'effet change ferait-il pourtant plus mal en France qu'outre-Rhin ? Ou bien c'est que le critère de la parité de change n'est pas l'élément essentiel.
Pour finir, je vous propose de lire ce que racontait hier soir Alan Greenspan, l'ancien président de la FED, alors qu'il était interviewé par Bibi Netanyahou lors de l'Israel Business Conference organisée par le journal Globes : “It’s not that the interest on the dollar isn’t good enough. The problem lies in the balance of payments. I expect that the dollar will continue to head downward until there is change in the US’s balance of payments. Some of the members of the OPEC oil group have begun to convert their dollar currency reserves into euros and yen.” Bien que retiré des affaires, Alan continue d'influencer, car le dollar a décroché de près de 70 bp dès publication de cette interview. Et pourtant, l'information sur l'OPEP avait été publiée la veille dans le rapport trimestriel de la BRI (page 3), et n'avait pas fait de vagues.
Et pour ceux qui pensent encore que les gouverneurs de banque centrale déterminent les taux de change, j'ai noté cette savoureuse remarque du même Alan Greenspan, dans la même interview : "We spent a lot of time trying to predict what the dollar-euro exchange rate would be and then we realized that there is so much sophistication in the market, predicting the dollar rate would be just as helpful as trying to flip a coin and predict which side it will land on."

07 décembre 2006

L'étau se resserre sur les taux


Facile comme jeu de mot. Et dire que je l'ai déjà utilisé lorsque je vendais du contrat PIBOR chez un courtier Matif. A l'époque, le scénario se jouait aussi à Francfort, mais il s'agissait de Buba. Au fait, qui trouvera un petit surnom pour l'antre de nos amis de la BCE ? Donc, on est monté à 3.50%, et nos politiques, en plein désarroi, pleurent et tempêtent et craignent pour leur croissance. Elle est donc si fragile, ils ont donc si peu confiance en leur action ? Pas de panique, les taux à long terme sont toujours bas : 3.71% aujourd'hui pour les emprunts d'Etat à 10 ans. Comme le dit si bien JC Trichet, les anticipations d'inflation à moyen et long terme restent ancrées à des niveaux compatibles avec la stabilité des prix (pour ceux qui ont envie de le lire dans le texte, c'est ici). Et puis, les taux d'intérêt ont-ils vraiment tant d'importance pour l'activité économique ?

Allez faire un tour dans une rue commerçante, parlez avec les boutiquiers : ce n'est pas Trichet et ses taux qui font la pluie et le beau temps pour le business des vendeurs de vêtements, c'est bien la météo. On bien baguenaudez dans les déserts économiques que sont trop souvent nos banlieues, et demandez à un jeune chômeur s'il en veut à la BCE d'avoir serré de 25 bp ses taux, parce que cela va freiner la croissance, et donc nuire à ses perpectives d'emploi. Oups, serez-vous bien compris ? D'ailleurs, voici le titre d'un journal indien à ce sujet, le Financial Express : "ECB raises rate to 3.5% to boost growth". Raccourci saisissant, n'est-il pas ?

Il m'est avis que lorsque l'on s'intéresse aux déterminants du coût du capital, le taux de refinancement fixé par la Banque Centrale n'est pas le seul élément important. Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt le sujet d'un prochain post.