24 juillet 2009

Du cas "Container" à l'investissement Panneaux Solaires

Il y a 25 ans, je terminais mes études de finance du côté de Jouy-en-Josas. Un des problèmes classiques d'évaluation des choix d'investissement était le cas "Container". Il s'agissait d'apprécier la rentabilité d'un investissement dans un container, loué ensuite à un exploitant qui versait un loyer au propriétaire. Comment financer, quels montants de loyers, quelle valeur résiduelle, quel taux d'actualisation, telles étaient les données du problème.
Aujourd'hui, on nous propose d'investir dans des panneaux solaires, et de gagner de l'argent avec le prix de vente de l'électricité, garanti sur longue période par EDF. Certains annoncent 8% de rentabilité, d'autres 20% !
Quand on creuse un peu, on s'aperçoit que le taux annoncé est un taux apparent, rapportant le montant des ventes prévues sur une année à l'investissement. Cela n'a bien sûr rien à voir avec un taux de rendement interne.
Pour calculer ce taux, il convient de modéliser les flux financiers, en montants et dans le temps.
Le prix de vente de l'électricité est garanti aujourd'hui sur 15 ou 20 ans par EDF, mais rien ne dit que ces prix ne seront pas modifiés. La quantité d'électricité produite dépend du taux d'ensoleillement, qui peut varier, ainsi que du rendement des panneaux, dont la qualité peut se dégrader et qui nécessiteront des travaux d'entretien.
Si le vendeur-installateur vous garantit un prix de rachat des panneaux dans 15 ou 20 ans, quelle certitude a-t-on qu'il tienne son engagement; a-t-il une caution bancaire ?
Enfin, quel taux d'actualisation choisir ? Je suggère d'estimer, sur longue période et en fonction des informations disponibles, l'écart-type du taux d'ensoleillement, et de le rapporter à la volatilité du marché actions, afin d'estimer la prime de risque adaptée.
Il est par ailleurs piquant de constater que les technologies vertes rendent à ce point dépendant des aléas climatiques, comme une vulgaire céréale. On a vu par exemple l'an dernier les producteurs d'électricité éolienne lourdement pénalisés par l'absence de vent à l'automne en Allemagne. L'impact sur ces sociétés cotées a été redoutable.
Certains vendeurs proposent de plus des montages fiscaux acrobatiques, en utilisant le statut LMNP. Gageons que l'administration fiscale sera d'autant plus regardante que les investissements vont se multiplier; les exagérations seront lourdement réprimées au titre de l'abus de droit.
En conclusion, il convient de faire preuve de bon sens et de prudence dans la modélisation des flux, d'évaluer le rendement avant tout avantage fiscal, et de comparer les niveaux de risque. Gardons à l'esprit que pour tout investissement, la rentabilité sert en premier lieu à rémunérer le risque.

3 commentaires:

Patrick Hubert a dit…

Cher Pierre,

Patrick Hubert a dit…

(suite 1)

Cher Pierre, me permettras-tu d'apporter quelques précisions pour tempérer ton scepticisme, très sain au demeurant ? Je m'intéresse au solaire depuis... au moins 25 ans (dans nos bureaux tu trouveras une carte de France du gisement solaire datant de 1983) et j'ai co-fondé début 2008 une société active dans le domaine.

Nous n'annonçons pas 20% de rentabilité, mais les fonds propres des investisseurs dans nos projets visent au moins 9% et certains bien situés peuvent dépasser 15% de TRI. Car, premier paramètre, à investissement égal l'ensoleillement détermine le chiffre d'affaires du projet : un même panneau ne produira pas autant de kWh à Rouen qu'à Avignon. Bien sûr, on ne paiera pas la place au soleil aussi cher dans l'une que dans l'autre, mais voilà déjà un facteur d'explication de ces écarts.

Modéliser les flux financiers, nous le faisons plutôt cent fois qu'une, car pour obtenir un rendement des fonds propres satisfaisant on fait jouer l'effet de levier. Deux bonnes raisons : 1° le TRI projet (pas celui des fonds propres, mais celui du coût total d'un projet) est généralement supérieur au coût de la dette, les taux restant encore bas aujourd'hui. 2° on peut s'endetter d'autant plus facilement que, en l'occurence, tu te méprends en affirmant "les technologies vertes rendent à ce point dépendant des aléas climatiques" : la variabilité annuelle de l'ensoleillement est de l'ordre de 3% ! Cette stabilité rassure les prêteurs, qui -pour tout financement de projet- sont donc prêts à accepter des ratios d'endettement plus élevés. Certains opérateurs utilisent trop de levier, et on peut atteindre les limites de l'exercice ("le levier m'a tuer" : Lehman ?). Mais bien calibré, le levier est bénéfique comme tu le sais.

Tu mentionnes le prix de vente de l'électricité : de fait, il est garanti et indexé sur 20 ans. On peut imaginer que l'Etat revienne sur l'engagement de rachat, ou que les prix de l'énergie baissent. Dans un Etat de droit, la rupture du contrat donnera lieu à compensation. La baisse du prix de l'énergie, elle, est possible mais elle s'accompagnera d'une baisse du prix des panneaux similaire (en plus lent) à ce qui s'est passé pour un autre produit du silicium, les puces informatiques. C'est ce pour quoi nous nous préparons : un marché de l'électricité solaire qui, d'ici moins de 10 ans, n'aura plus besoin de soutien. En attendant, nous mettons en place nos centrales sur la base de contrats à 20 ans, et nos investisseurs peuvent être rassurés.

Patrick Hubert a dit…

(suite 2)

Sur le rendement des panneaux, pour plus de 80% du marché actuel (silicium cristallin) la technologie est très éprouvée puisque les satellites des années 60 en utilisaient déjà. Aujourd'hui les meilleurs noms du marché offrent une qualité reconnue par banquiers & assureurs, et proposent communément une garantie de rendement des panneaux de 80% à 25 ans. Nous sommes souvent co-investisseurs dans nos projets, et préférons donc nous assurer de la pérennité de ces matériels, mettant en place des contrats d'entretien.

Autre point soulevé, celui d'un prix de rachat des panneaux : dans 20 ans, nous espérons bien pouvoir faire installer des panneaux de nouvelle génération -plus performants, moins chers- sur les centrales solaires existantes, et continuer à les gérer de façon dynamique. En tout état de cause, la durée de vie avérée de ces panneaux est d'une quarantaine d'années.

Enfin, tu as absolument raison : "la rentabilité sert en premier lieu à rémunérer le risque". Et si nous ne promettons pas les rendements les plus mirobolants, c'est aussi que nous avons une vision plus industrielle et moins financière que certains, prenant en compte les renforcements de structure pour des toitures, n'achetant pas les panneaux les moins chers, ne pratiquant pas l'acrobatie fiscale, et nous efforçant d'anticiper et couvrir un maximum de risques.

Il n'empêche, une fois qu'on a fait le tour des paramètres pour ce cas "Panneaux solaires", on y trouve des rentabilités de l'investissement qui restent très satisfaisantes : il faut aussi savoir profiter des opportunités... ;-)

Amicalement,

P.H.