04 septembre 2009

Profits des banques et bonus des traders


J'ai longtemps hésité avant de donner mon grain de sel et d'écrire un post sur Le Sujet à la mode : les bonus des « traders ». Mettons des guillemets à « traders », car la pratique des bonus ne concerne pas qu'eux, mais plus globalement une bonne partie des opérateurs des banques de financement et d'investissement (BFI ou investment banks).
Je ferai deux remarques, étant entendu que j'épargnerai à mon lecteur la complainte sur la soit-disant 'immoralité' du système.
Tout d'abord, il est assez compliqué de savoir si cette pratique favorise réellement une prise de risque « excessive ». En effet, je ne comprends ce que veut dire ici l'adjectif excessif. Si une banque prend des risques importants, elle doit mettre en face les fonds propres correspondants. Cela veut dire que si le risque pris est considéré comme excessif, c'est que soit le régulateur n'a pas fait son travail, en exigeant de la banque qu'elle ajuste ses fonds propres à due proportion, soit que le risque mesuré n'est pas cohérent avec le risque réellement supporté. Dans ce deuxième cas, comme c'est également le régulateur qui valide les modèles internes de mesure du risque des banques, on en conclut qu'il a également failli. Je ne vois donc pas le lien avec les bonus. Bien entendu, la question des systèmes de mesure des risques se pose avec acuité, et toute crise la replace au centre des débats; voir Mandelbrot, Minsky, Taleb, etc...
Deuxième point, si l'on se demande ce qu'il faut pour faire fonctionner une investment bank, la réponse est simple : du capital et des hommes (et femmes). Le capital permet de prendre les positions et de faire du levier; plus il est important, mieux on se porte. Le capital humain, celui qui part tous les soirs en sortant de la banque, prend les décisions d'investissement. Comme il peut partir définitivement pour aller faire travailler les fonds propres d'une autre banque, lesquels ont la même couleur et la même odeur, il s'agit de faire ce qu'il faut pour le garder. Il y a donc un problème de gouvernance. Les actionnaires d'une banque, qui apportent le capital, sont tentés de garder les profits pour eux, soit en se les distribuant, soit en les laissant en fonds propres dans la banque, en espérant dans ce cas que ces fonds propres supplémentaires génèreront une aussi bonne rentabilité (ajustée du risque). Mais pour cela, ils doivent rémunérer leurs salariés, qui veulent aussi leur part, sachant qu'ils peuvent du jour au lendemain partir ailleurs faire travailler les fonds propres des autres s'ils sont plus généreux. La situation est donc hautement compétitive. Dans ce type de négociation, où il est difficile de dire a priori quelle partie à l'avantage sur l'autre, on peut raisonnablement penser qu'au final le produit sera partagé 50 – 50 entre les deux parties. En observant la répartition chez Goldman Sachs, où les employés sont aussi des actionnaires importants, on s'aperçoit que c'est justement ce partage à égalité du profit qui est globalement mis en oeuvre. Donc l'idée de payer les bonus en actions aurait à mon avis plutôt tendance à pousser les bonus à la hausse.
En conclusion, si vous pensez que limiter les bonus permettra de limiter les risques de crise, vous faites à mon avis une grossière erreur : vous évaluez bien mal le risque.

2 commentaires:

SR a dit…

Pierre, non seulement ton message est ultra pertinent, mais le "(et femmes)" m'a fait plaisir. J'attends avec impatience le moment où tu pourras enlever les parenthèses...

Pierre GONZVA a dit…

Chère Sophie, les parenthèses ne dépendent pas de moi ...