07 novembre 2009

Politique monétaire, exit strategy et communication


Après les réunions cette semaine de la FED, de la BCE et de la BoE, le moment est venu de faire le point sur les politiques monétaires. Chacun commence à réfléchir aux exit strategies, c'est-à-dire aux moyens de mettre fin, le moment venu, aux mesures exceptionnelles mises en oeuvre , avec réussite, pour surmonter la crise financière.
Pour résumer ces mesures, elles ont été de 3 ordres :
1) Une baisse très importante des taux directeurs, taux auxquels les banques commerciales se refinancent auprès de la banque centrale;
2) La possibilité pour les banques commerciales de se refinancer sans limite à ce taux d'intervention auprès des banques centrales;
3) Principalement pour la FED et la BoE (Banque of England), l'achat direct de titres sur le marché, obligations d'Etat, titres privées, titres des agences de refinancement hypothécaire pour la FED.
Quelle exit strategy adopter ? Techniquement, les choses ne sont pas très compliquées : fin des mesures quantitatives, remontée graduelle des taux d'intérêt, l'important étant d'avoir le bon timing. Il importe en effet d'éviter deux risques : celui de freiner la reprise économique en cas d'exit strategy mise en place trop rapidement; ou au contraire celui d'alimenter l'inflation et les bulles d'actifs en cas de retard.
A mon avis, la communication va jouer ici un rôle essentiel. On sait quoi faire, comment le faire, à peu près quand le faire. Mais on ne sait pas comment les marchés réagiront quand les banques centrales passeront à l'action. En particulier, le risque sur les taux longs ne doit pas être sous estimé.
Pour ce qui est des interventions de la catégorie 3), les choses sont à peu près claires. La FED a annoncé qu'elle avait terminé son programme d'achat de 300 milliards de bons du Trésor; les achats de MBS émis par les agences hypothécaires, pour un total de 1250 milliards de $, seront achevés à la fin du premier trimestre 2010, selon le dernier communiqué du FOMC (Federal Open Market Committee). Il n'y a donc pas de surprises à attendre sur ce point.
A propos des mesures quantitatives, la question est de savoir comment faire un passage en douceur entre le financement à guichet ouvert et la restriction.
La BCE a mis en place des opérations de refinancement à 1 an à 1% en juillet, dont j'ai déjà évoqué le succès, ainsi qu'en septembre; une dernière est prévue en décembre.
Du fait que les banques se refinancent sans limite à 1% auprès de la BCE, et qu'elles replacent auprès de la même BCE à 0,25% une partie du cash ainsi obtenu, afin de s'assurer contre tout problème de liquidité, alors le taux au jour le jour sur le marché interbancaire, EONIA, évolue entre ces deux taux. En effet, une banque ne va pas emprunter sur le marché interbancaire à plus de 1% si elle peut avoir des liquidités à ce niveau sans limite auprès de la BCE; de même, une banque ne va prêter à moins de 0,25% si elle peut obtenir cette rémunération auprès de la BCE. Ainsi, l'EONIA est actuellement à 0,33 %, l'EURIBOR 3 mois à 0,71%, le 6 mois à 1%.
Que se passera-t-il quand la BCE décidera d'arrêter de fournir des liquidités sans limite ? En toute logique, l'EONIA devrait repasser au-dessus de 1%, taux d'intervention de la BCE, et les taux EURIBOR remonter également, avec un impact sur toute la courbe des taux. Entre "sans limite" et quantité limitée", il y a une différence de nature, pas seulement de niveau. C'est là qu'une bonne communication pour préparer correctement les marchés sera essentielle, afin d'éviter des hausses brutales sur les taux d'intérêt.
Gardons à l'esprit que les taux long terme sont également très bas. En France, le taux TEC 10, représentatif des emprunts d'Etat à 10 ans, est à 3,60%. En parallèle, les anticipations d'inflation à long terme, telles qu'on peut les lire à partir des rendements des OAT indexées, sont remontées au-dessus de 2%. Ce qui veut dire que le taux réel à long terme, hors inflation est d'environ 1,50%. Lors de l'adjudication du 15 octobre, les OAT indexées sur l'inflation européenne, échéance 2020, ont ainsi été émises avec un rendement de 1,52%; pour l'échéance 2040, le rendement était de 1,72%. Quand on vient justifier le faible niveau des taux long terme par le faible risque d'inflation, on passe à côté du fait que c'est le taux réel qui est bas en réalité; les anticipations d'inflation à long terme sont revenues au niveau qu'elles avaient entre 2005 et début 2008.
Pour ce qui est du niveau des taux directeurs des Banques Centrales, on scrute avec attention chacun des communiqués, pour lire les éventuelles modifications dans les termes employés. Pour le moment, il n'y a pas de modification dans la communication, et les marchés n'envisagent pas de hausse des taux directeurs avant la fin 2010 ou 2011. Les récentes hausses des taux directeurs par les Banques Centrales d'Israël, d'Australie et de la Norvége, décidées chacune dans un contexte spécifique, n'ont pas signalé le début d'un mouvement généralisé.
De même que la crise financière d'il y a un an a été exceptionnelle, de même la fin des mesures prises par les banques centrales pour remédier à cette crise sera aussi une grande nouveauté : la réaction des marchés est toujours difficile à prévoir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

je pense que les banques peuvent prendre les operateurs par surprise pour calmer les operations de carry trade toujours win win et stopper cette speculation sans risque pour eux
la fetes doit bien se terminer un jour dan

Pierre GONZVA a dit…

Merci Dan pour cette avis.
Il est vrai que le carry trade pousse le dollar à la baisse et les commodities à la hausse. C'est en effet une situation win-win, mais tant qu'elle perdure ! On a vu il y a un an que le débouclage du carry trade sur le yen pouvait entrainer des mouvements très violents sur les devises.
Je ne pense pas que les banques centrales vont utiliser l'effet de surprise, mais plutôt qu'elles soigneront leur communication. Cependant, Merrill Lynch a récemment publié une étude sur la Bank of Israël, qui au mois d'août a été la première a relever ses taux. Le marché n'était pas préparé à cette action; il n'empêche qu'il n'y a pas eu de conséquences négatives : les actions ont poursuivi le mouvement de hausse, et les taux obligataires ont baissé. L'analyste de Merrill en concluait que le changement de politique monétaire pouvait se faire en douceur.
A voir cependant si on peut généraliser à la FED ou la BCE